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Bayrou, le paradoxe de la Prophétie

Le blog l'hérétique a connu deux habillages : dans sa première période, le programme de Bayrou a figuré en lien, sur la droite, sous la dénomination "propositions". Puis, le temps passant, et les avertissements de François Bayrou prenant de plus en plus de réalité, j'ai modifié l'habillage de mon blogue et j'ai intitulé le même lien "Prophéties".

Le paradoxe, c'est qu'au moment même où le MoDem a sombré, que Bayrou a chuté dans l'opinion, les solutions aux maux dont souffre la France depuis plusieurs années sont récupérées et souvent souhaitées par les Français. Violence scolaire, retraites, déficits et dette, éducation, nous sommes en plein dans le programme de François Bayrou en 2007.

Bayrou a dit un jour à un journaliste qu'il espérait que son MoDem serait une dalle d'Épidaure au sein de la société française. Il y a à Épidaure en Grèce un théâtre fameux aux propriétés acoustiques extraordinaires : que l'on s'y place, sur scène, au bon endroit, et l'on peut se faire entendre jusqu'aux dernières extrémités des gradins. Le malheur de Bayrou, c'est que tous ceux qui l'ont rejoint sur scène n'ont pas voulu jouer la même pièce et que la comédie a viré à la farce. Il est vrai que le scénariste n'a pas non plus respecté la règle des trois unités chères à Aristote dans sa poétique : unité de lieu, unité de temps, unité d'action, rien de tout cela n'aura su éclairer la tragédie du MoDem.

Le drame de cet homme et de son parti, c'est d'avoir voulu ressusciter à tout prix une famille politique disparue de France depuis la fin du MRP : la famille démocrate. Bien évidemment, ni la droite ni la gauche ne voulaient d'une telle résurrection, et on les comprend ; c'eût signifié la fin d'un règne sans partage depuis la fin de la IVème République.

J'ai connu l'époque où quand je lisais ou publiais un article sur Bayrou sur la Toile, il y avait 75% de commentaires positifs et 25 de négatifs. Aujourd'hui, c'est l'inverse. Il faut progresser en milieu hostile ; cela met la patience et la ténacité à rude épreuve, le découragement guette, et en même temps, il ne faut rien lâcher. Je suis parfaitement conscient que le combat que je mène aux côtés de Bayrou peut bien être complètement vain. Bayrou est à l'heure actuelle, en effet, clairement carbonisé dans l'opinion publique.

Cela me rappelle une nouvelle de Dino Buzatti, les Sept messagers : le fils d'un roi veut connaître les frontières du royaume de son père ; il envoie alors tour à tour sept messagers, mais ces derniers mettent toujours plus de temps à revenir, sans parvenir à trouver la limite du royaume. Le dernier messager tient un journal de bord dans lequel il décrit les sentiments qui le gagnent peu à peu.

«Je le soupçonne, il n'existe pas de frontière, du moins dans le sens que nous entendons habituellement. Il n'existe pas de murailles de séparation, ni de vallées profondes, ni de montagnes fermant la route. Je franchirai probablement les confins sans même m'en apercevoir, et continuerai dans mon ignorance à aller de l'avant

L'expérience de l'adversité est une expérience inédite : elle permet de savoir ce que l'on vaut. Les Épicuriens conseillaient de ne pas s'en soucier, parce que de toutes façons, il n'est pas dans le pouvoir des hommes de pouvoir y remédier quand elle s'acharne, et finalement, la meilleure des attitudes, c'est de lui ôter tout pouvoir sur les âmes en ne s'en souciant plus. Difficile à admettre pour un militant politique. Les Stoïciens, quant à eux, y voyait un présent des Dieux pour éprouver les vertus des hommes sages. Baudelaire a écrit dans ses Litanies de Satan que l'Espérance était une folle charmante. Mais moi, je préfère avancer au train du Septième Messager :

Je remarque comment de jour en jour, à mesure que j'avance vers l'improbable fin de ce voyage, une lueur insolite brille dans le ciel, une lueur que je n'ai jamais vue, pas même en rêve ; et comment les ombres et les montagnes, les fleuves que nous traversons semblent devenir d'une essence toute diverse ; et l'air est tout chargé de présages d'un je ne sais quoi.
Demain matin, une espérance nouvelle me portera encore plus avant, vers ces montagnes inexplorées que les ombres de la nuit cachent encore
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Commentaires

  • "Le drame de cet homme et de son parti, c'est d'avoir voulu ressusciter à tout prix une famille politique disparue de France depuis la fin du MRP : la famille démocrate."


    Je ne crois pas. Il me semble que le drame de cet homme, c'est d'avoir réussi à ressusciter une famille politique (pour faire court : la famille démocrate ou républicaine au sens du CNR) et de n'avoir pas su gérer cette résurrection. On est beaucoup plus près de la légende du Golem, voire de l'apprenti-sorcier de Goethe, que d'une tragédie grecque. A ceci près que cette résurrection n'avait rien de maléfique et pouvait au contraire être à l'origine d'un élan salvateur. D'où les efforts sincères de certains pour en sauver ce qui peut encore l'être.

  • "Le drame de cet homme et de son parti, c'est d'avoir voulu ressusciter à tout prix une famille politique disparue de France depuis la fin du MRP : la famille démocrate."


    Je ne crois pas. Il me semble que le drame de cet homme, c'est d'avoir réussi à ressusciter une famille politique (pour faire court : la famille démocrate ou républicaine au sens du CNR) et de n'avoir pas su gérer cette résurrection. On est beaucoup plus près de la légende du Golem, voire de l'apprenti-sorcier de Goethe, que d'une tragédie grecque. A ceci près que cette résurrection n'avait rien de maléfique et pouvait au contraire être à l'origine d'un élan salvateur. D'où les efforts sincères de certains pour en sauver ce qui peut encore l'être.

  • s'il avait réussit au 1er tour du round, cela aurait été avec les équipes que l'on connaît ... c'est à dire qu'on était sur des sables mouvants... là, la construction sera lente mais au moins peut on espérer des fondations en zone non inondable :) il n'y a jamais de hasard...

  • Tu as raison Mirabelle peut-être que cette période aura servi à séparer le bon grain de l'ivraie.

  • @ l'hérétique :

    Pour ma part je suis épicurien... et taoiste (de par mon étude du wing chun).

    Je ne m'encombre pas d'inquiétudes et de souffrances, quand on y peut rien c'est inutile. Et puis le wing chun t'apprends comment gérer l'adversité : avec souplesse.
    Et pourtant ma vie se joue dans un combat au sein d'une industrie qui n'incite ni au calme ni à la souplesse, c'est rien de le dire.

    Mais avec calme, souplesse et une sacré endurance, on tient.

    Bon courage à toi.

  • du wing chun, c'est aussi le style de kung-fu que j'ai commencé à étudier.
    Pour l'instant, j'en suis encore à essayer de m'assouplir suffisamment :-)
    Oui, c'est sûr, en politique, il faut de l'endurance...

  • Entièrement d'accord avec vos propos et le programme "prophétique" de F.Bayrou mais il semble que le problème c'est Bayrou lui-même puisque tout le monde le quitte ... Ne le connaissant pas personnellement je m'abstiendrai de lui jeter la pierre mais les faits sont là... Enfin l'essentiel ce sont ses idées qu'il faut effectivement faire aboutir car c'est lui qui a raison !
    Cordialement

  • du wing chun, c'est aussi le style de kung-fu que j'ai commencé à étudier.
    Pour l'instant, j'en suis encore à essayer de m'assouplir suffisamment :-)
    Oui, c'est sûr, en politique, il faut de l'endurance...

  • @ airlane

    Tout à fait d'accord avec vous. L'ennui pour le MoDem, c'est que c'est le bon grain qui est parti ! ;-)

  • Et si la victoire "morale" de FB se mesurait surtout par la reprise de ses idées par certains, la réaffirmation de leurs origines par d'autres et la mise en exergue des limitations du système politique français (alliances électorales, système électoral, système institutionnel avec des contre pouvoirs inopérants, etc.). Bref il s'agirait d'une série d'effets "spillover" du Bayrou 2007 à 2009, dont il ne serait pas capable de profiter directement (compte tenu de ses erreurs stratégiques lourdes, la difficulté incroyable de réunir une majorité unifiée autour de ces idées, le manque de vision programmatique large et originale permettant adhésion première d'une majorité) mais qui auront atteint les "élites" des principaux partis de gouvernement que ce soit par sa représentativité électorale (2007) ou le vide électoral (abstentions 2010). Le néofonctionnaliste qui sommeille en moi se devait de sortir un truc du genre.

  • Le "vide électoral" dont parle ArnaudH me semble être près de la vérité pour le MoDem. C'est un parti trop récent pour être connu par l'ensemble de l'électorat français (qui est un des plus volatil)puis ensuite la forte abstention, les "jeunes" personnalités de valeur arrivant au MoDem puis gâchées ou pas mises en avant, tout ça mérite réflexion. Bien sûr que Fb a une lourde responsabilité, mais pour sa défense je dirais aussi que l'électorat n'est pas facile à récupérer et qu'on ne peut remonter aux résultats de 2007 pour des élections régionales. Reste le programme du MoDem, projet d'Espoir d'une vision à long terme pour la France, il reste plus que jamais d'actualité !

  • Nous avons entrepris une longue marche vers une utopie que l'on peut nommer humanisme et démocratie, comme toute utopie soyons tous persuadés que nous ne l'atteindrons jamais. Est-ce une raison pour s'arrêter de marcher? Est-ce une raison pour claquer la porte et partir dans d'autres directions en suivant le courant de la mode? Nombreux sont ceux qui ont abandonné, mais il y a aussi ceux qui sont restés, qui ont assumé les échecs successifs, qui envers et contre tout ont continué à se battre pour faire avancer nos valeurs, qui ont continué à marcher sur ce chemin difficile. Même si cela ne se voit pas trop, chaque pas que nous faisons, nous rapproche de la lumière, l'exemple d'Obama, maintenant les libDem, en passant par le Japon et toute l'actualité internationale, nous montre la progression de ces valeurs et idéaux, nous montre la progression des mouvements démocrates, ce doit être pour nous un grand encouragement. La flambée de 2007, et le mouvement qui s'est levé derrière, s'est cassé la figure, des erreurs, des maladresses certes, mais aussi des circonstances défavorables, des attaques de toutes parts, de la désinformation des médias. Même aujourd'hui au fond du gouffre, nous continuons à être attaqués de tous bords, pour être sûr que nous ne relèverons pas. Est-ce pour cela que nous devons abandonner? Au contraire, comme chez nos voisins, il y aura un réveil et des jours meilleurs et nos valeurs triompheront mais même ce jour là ou nous serons à la mode et ou nous verrons comme en 2007 arriver tout un tas de sympathisants, nous n'aurons pas atteint nos idéaux, nous constaterons de nombreux dysfonctionnements, nous ne serons pas satisfaits par les orientations prises, c'est pour cela que nous devons continuer à marcher, pour qu'à chaque pas que nous faisons, nous nous rapprochions de notre utopie.
    Merci l'Hérétique pour cet excellent billet.

  • "J'ai connu l'époque où quand je lisais ou publiais un article sur Bayrou sur la Toile, il y avait 75% de commentaires positifs et 25 de négatifs. Aujourd'hui, c'est l'inverse. Il faut progresser en milieu hostile ; cela met la patience et la ténacité à rude épreuve, le découragement guette, et en même temps, il ne faut rien lâcher. Je suis parfaitement conscient que le combat que je mène aux côtés de Bayrou peut bien être complètement vain. Bayrou est à l'heure actuelle, en effet, clairement carbonisé dans l'opinion publique"

    Pas certain l'ami ... pas certain ...

    Ceux qui se souviennent -j'en suis- sont tout de m^me frappés de stupeur en écoutant un Morin reprendre à son compte pratiquement mot à mot le discours de Bayrou. (Sa prestation dans l émission CPolitique).

    Sans aucun doute Bayrou a fait des erreurs. Mais il reste notre meilleure solution pour sortir la France de la situation catastrophique que 5 ans de sarkozysme vont lui avoir infligé.

    A moins qu'en 2012 ce soit DSK par le biais du FMI qui nous sorte de ce mauvais pas ?

  • "Aujourd'hui, c'est l'inverse. Il faut progresser en milieu hostile ; cela met la patience et la ténacité à rude épreuve, le découragement guette, et en même temps, il ne faut rien lâcher."
    Oui, le problème est que l'on se fait surtout descendre par des gens de son propre camp !!! Enfin c'est ce qu'ils prétendent... C'est absolument hallucinant de voir leur incohérence. Sous prétexte que certains n'ont pas suivi le sillon tracé, on démolit le soc. N'importe quoi !

  • Formidable ! Sur la 2 en ce moment, une pensée bien amenée :
    "Le miroir n'est pas responsable de la laideur qu'il reflète..."

  • @signora
    DSK ? avec lui, toutes les femmes ont intérêt à porter une burqa...

  • Nul n'est prophète en son pays....

  • Je comprends votre besoin de chercher des explications, des causes profondes, et je compatis.

    Aussi j'attire votre attention sur la question suivante : faudrait-il nécessairement que celui qui, le premier peut-être à ce niveau, le plus clairement en tout cas, a prononcé la prophétie soit le plus à même de mettre en oeuvre les mesures qu'elle rend inéluctable, plus encore de créér les conditions nécessaires à leur mise en oeuvre? non, et j'ajouterai à l'aune de la séquence 2007-2010 non de toute évidence. Mais l'Histoire continue, et comme pour Drogo l'attente de la gloire et du Destin...


    ps: pour les amateurs de chevaux sur le retour et de littérature des causes perdues ou de vieille guimbardes, dont je suis, si Bugatti prend 2 "t", Buzzati prend 2 "z".

  • @Nicolas M,
    Vous aimez les vieilles guimbardes, vous m'étonnez...:o)) Tsss ca rime avec bonnet, nan mais ouh la la mieux que je sorte, j'ai mal à la tete...

  • @ L'Hérétique,

    Paix aux âmes des lieutenants Drogo. Virerions nous en pleine Tartarie ?
    Cordialement,

  • Littérature pour littérature, plutôt qu'à Buzzati, Bayrou me ferait penser à Ismaïl Kadaré. Vous savez, celui qui a écrit "Le Général de l'armée morte"... ;-)

  • L'erreur, drame est un peu fort pour les non-croyants, c'est d'avoir confondu temps long et temps court . On ne crée pas un parti politique de toutes pièces dans un temps court. Si l'on croit le faire, on regroupe très rapidement un tas de déçus des autres partis, aux convictions faibles, et qui cherchent dans un temps court, eux aussi, une investiture productive, un débouché facile, ... etc.
    Il fallait prendre le pouvoir dans un parti existant, ou se condamner au messianisme

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