Excellentes remarques de l'économiste Élie Cohen chez Telos : il exprime bien plus clairement que ce que j'ai pu dire ici l'inanité de vouloir s'en prendre aux banques pour les "punir" de leurs bons résultats financiers. S'il y a bien une manière de raisonner particulièrement tordue, à mes yeux, c'est bien celle-là, en effet.
Taxer les banques va peut-être rapporter de l'argent, mais ne va en aucun cas contribuer à la régulation des flux financiers. Si vraiment l'État français veut embrasser le problème, ce n'est pas la fiscalité nationale qu'il faut brandir, mais se tourner vers la diplomatie, notamment dans nos dicussions avec nos partenaires économiques.
Taxer les banques n'est pas une mesure économique ni fiscale : c'est un simple coup politique pour se donner bonne conscience et envoyer un message à la population. Les banques ont le dos large, on peut donc leur casser une quantité de sucre considérable sur le dos, et actuellement, il faut admettre que c'est un sport national partagé par tout l'échiquier politique, du NPA jusqu'au FN.
Si vraiment on veut éviter que ne se reproduisent les désordres financiers qui ont secoué la planète, c'est sur les normes prudentielles qu'il faut travailler, et pas seulement les normes prudentielles applicables par beau temps, mais également celles qu'il convient de mettre au point pour résister à la tempête.
J'ai cru comprendre que les modèles mathématiques qui avaient testé les différentes procédures de titrisation étaient opérationnels, dès lors que les produits testés n'étaient pas soumis à des conditions extrêmes : pour user d'une image plus claire, si dans le bâtiment, on utilise des matériaux et des techniques pour construire un immeuble sur une zone sismique, on les prévoit pour résister aux niveaux 5,6 et 7 sur une échelle de Richter, pas aux niveaux 8, 9 et 10, devinez ce qu'il se produit si la terre tremble au-delà des limites de résistance des matériaux ?...
Le problème, c'est qu'un marché financier, c'est par définition une zone sismique. Il faudrait travailler à nouveau sur ces modèles mathématiques avec cette approche (je ne suis évidemment pas un spécialiste de la chose, mais c'est mon intuition).
Enfin, une taxe sur les banques n'a de sens que si elles est générale dans le monde entier et qu'elle est indolore. C'est ce que Bayrou a proposé à maintes reprises depuis 2007. Une telle taxe ne devrait pas avoir pour objet de "punir" les koulaks banques, mais de servir une cause qui intéresse toutes les nations de la Terre (co-développement, écologie...).
Commentaires
Vous travailler dans une banque ou êtes actionnaire pour autant les soutenir ?
@ front de gauche
Non, je ne travaille pas dans une banque et mes actions ne constituent pas un montant significatif.
Beaucoup plus simplement, j'aimerais bien des réformes efficaces pour cadrer les marchés, pas des mesures populistes et sans grande portée.
Je comprends donc vos autres propositions pro-banques. Depuis plusieurs années, les libéraux tirent la sonnette d’alarme à propos du montant de la dette publique cette dramatisation repose sur un diagnostic erroné qui a pour fonction de légitimer la réduction des dépenses de l’État et les effectifs de fonctionnaires. On nous répète tous les jours un discours simpliste qui s’appuie sur le sens commun : on ne peut durablement dépenser plus qu’on ne gagne, et par conséquent il faut dépenser moins et ajuster les dépenses aux recettes. Sinon, on accumule une dette qui viendra peser sur les générations futures. Cet argumentaire semble si bien ficelé qu’il ne reste plus au fond qu’à décider dans quel budget il faut couper ! Pourtant, ce raisonnement apparemment irréfutable est un tissu d’absurdités et de contresens. Pour commencer, l’État dispose de la possibilité - à vrai dire assez peu répandue chez les particuliers de fixer lui-même ses recettes ; et ses dépenses peuvent elles mêmes engendrer des recettes. La dette de l’État n’est en aucun cas assimilable à celle d’un ménage : l’horizon de l’État est bien plus long, et on peut dans l’abstrait définir les conditions d’un recours stable à l’emprunt, comme alternative à l’impôt. Quant aux intérêts de la dette, ils ne seront pas payés demain par nos enfants, mais le sont par les contribuables contemporains. Enfin, la montée de la dette de l’État est principalement liée à une baisse de ses recettes, et cette configuration permet de comprendre pourquoi un tel déficit public n’a pas les vertus keynésiennes attendues. Les ménages sont inégalement concernés par les arbitrages publics entre impôts et endettement public. Les baisses d’impôts ont en effet favorisé systématiquement les détenteurs de revenus du capital et les plus hauts revenus. De ce point de vue, les contre-réformes fiscales successives ont représenté un transfert de revenu vers ces catégories sociales. Mais ce sont elles aussi qui disposent des capacités d’épargne nécessaires pour souscrire aux emprunts d’État. Ils gagnent donc sur les deux tableaux : moins d’impôt et accès à un placement rentable et sûr. Voilà pourquoi les baisses d’impôt ne relancent pas la consommation. Le supplément de revenu disponible que ces baisses procurent aux plus hauts revenus est pour l’essentiel épargné. La croissance de la dette publique tend donc à auto-entretenir un cercle vicieux de faible activité qui contribue à son tour au creusement des déficits. Une baisse d’impôts accordée aux "rentiers" sera en grande partie épargnée sous forme d’obligations du Trésor, de telle sorte que la consommation n’en sera pas augmentée. Pour résumer : la montée de la dette de l’État n'est pas le résultat d'une croissance immodérée des dépenses (à l'exception des intérêts sur cette dette). Elle découle du choix consistant à faire payer de moins en moins d’impôts à une couche sociale auprès de laquelle il faut ensuite s’endetter à des taux d’intérêt prohibitifs (et non révisables). Si cette analyse est correcte, elle permet d'abord de mieux comprendre la nature sociale du déficit, qui est l’instrument d’un transfert de ressources de la masse des contribuables vers ceux qui bénéficient le plus de baisses d’impôts trop rapides. Cette présentation permet de mieux décrypter les discours alarmants dénonçant le report de la charge de la dette sur les générations futures, afin de justifier la discipline budgétaire. En réalité, le transfert ne se fait pas entre générations, mais entre couches sociales : ce sont les contribuables d’aujourd’hui (et pas les générations futures) qui paient les rentes d’Etat versées aujourd’hui à ceux qui en bénéficient. Comme on l’a montré, ce mécanisme fait rapidement boule de neige : les charges d’intérêt de la dette publique exercent une pression constante sur le déficit : il faut emprunter à nouveau pour payer les intérêts de la dette publique, de telle sorte que celle-ci ne cesse d’augmenter. Le choix public d’endetter l’État auprès des rentiers au lieu d’augmenter l’impôt ces rentiers explique entres autres largement l’augmentation de la dette publique.
Et si on interdisait purement et simplement ces modèles à la noix et toutes ces activités financières ineptes ? Ils ont transformé l'économie en CASINO. Il faut revenir aux fondamentaux : on veut créer de la valeur ? eh bien on BOSSE, on innove, on produit, on fournit des services, on s'inscrit dans le fonctionnement de la société et pas dans des aberrations virtuelles. Point barre.
Attention avec ce genre de propos vous allez apparaitre comme un dangereux gauchiste Florent.
@front de gauche
Vous méritez le prix Nobel d'économie irréaliste...
Plutôt qu'une taxe, j'aurais mieux vu une prime d'assurance à verser.
En cas de pépin, cela peut être utile d'avoir une assurance.
De toute façon, c'est toujours le client qui va payer à la fin.
Le client ou le contribuable.
C'est souvent le même.
@europium
C'est votre système qui s'effondre, je comprends donc votre aigreur.
Les gauchistes peuvent aussi avoir raison quelquefois, là n'est pas la question. Et ce discours est loin d'être tenu uniquement à gauche...
@ front de gauche
Il y a certaines choses exactes dans ce que vous écrivez, notamment sur le fait que les actuelles baisses d'impôts creusent le déficit. Mais là où me semblez rêver doucement, c'est d'imaginer ceci :
«Pour commencer, l’État dispose de la possibilité - à vrai dire assez peu répandue chez les particuliers de fixer lui-même ses recettes»
Non. Les recettes de l'État dépendent de la richesse produite par le pays. Et justement, certains impôts peuvent décourager la production de richesses. Ce n'est pas si simple, et c'est bien pour cela que la fiscalité doit être pensée avec subtilité.
Il faut en effet augmenter drastiquement les impots des plus riches et des entreprises tout en pénalisant les entreprises qui délocalisent, et interdire les licenciements, le tout avec une augmentation significative des salaires. C'est une priorité face à la crise de votre système. Après l'on pourra commencer à réformer en profondeur.
@ frontdegauche
autant nationaliser les entreprises, ce sera plus rapide. Pour augmenter les salaires, encore faut-il produire plus de richesses et attirer les investisseurs.
Il faut revoir la fiscalité pour que les entreprises françaises aient des marges plus importantes afin de pouvoir investir davantage : quand je dis les entreprises, je pense aux PME et TPE.
Lier la fiscalité à l'absence de délocalisations, je ne pense pas que cela puisse marcher. En revanche, il faut cesser de donner des aides financières à l'emploi aux entreprises qui délocalisent ensuite les dits emplois.
Cela dit, le coeur du problème, c'est la structure de l'emploi elle-même : tant que nous ne nous serons pas reconvertis vers des secteurs innovants, nous aurons une concurrence de plus en plus rude avec les pays émergents, et je ne pense pas que nous serons gagnants.
@ florent
le travail n'est pas suffisant pour définir la richesse. (on peut relire la critique de Schumpeter sur la valeur-travail telle que l'établissent Ricardo et Marx).
On ne peut pas interdire des modèles mathématiques, mais on peut contrôler certaines pratiques.
La finance demeure l'outil indispensable de l'investissement, ne l'oublions pas.