Me voici de retour après quelques semaines d'absence. Que de sujets intéressants que j'aurais pu traiter, ce mois-ci ! Il y en a au moins un qui a attiré particulièrement mon attention, c'est le choix des Britanniques concernant l'immigration afin de réduire le communautarisme grandissant au Royaume-Uni : ils ont imaginé de ne décerner la nationalité britannique qu'après l'attribution d'un nombre de points nécessaires pour l'obtenir. Il y a évidemment des critères : absence de casier judiciaire, participation à la vie civile et associative, connaissance de la langue et de la culture britanniques apportent des points. Abonnement aux aides sociales diverses, délinquance, participations aux manifestations en retirent.
Les critères mériteraient d'être affinés, mais j'en aime bien le principe et je pense que nous devrions l'appliquer en France. Ni le droit du sol (actuellement en vigueur en France) ni le droit du sang ne me satisfont en matière d'acquisition de la nationalité.
La nationalité française (et plus largement européenne) ne devraient pas pouvoir se définir par une simple présence. Ce devrait être le fruit d'une volonté pour ceux qui souhaitent l'acquérir, et toute acquisition devrait faire l'objet d'une période probatoire.
Le funeste regroupement familial opéré par Giscard d'abord puis massivement par Mitterrand et les Socialistes par la suite n'ont abouti qu'à ce que des descendants des naturalisés de cette époque crachent sur le drapeau français et sifflent la Marseillaise.
Trois points centraux me semblent devoir faire l'objet de toutes les attentions des pouvoirs publics si une telle loi se mettait en place : la condition de la femme, la laïcité et la liberté d'expression. La condition de la femme me semble plus importante encore que la laïcité, car je pense que la liberté de la femme et son égalité (tout du moins en droit) sont l'acquis social et moral le plus précieux de nos sociétés européennes.
Je pense, en matière d'immigration, que c'est même LE point majeur qui permet de déterminer une bonne ou une mauvaise intégration future. Dis-moi comment tu traites ta femme, je te dirais quel citoyen tu es, dis-moi ce que tu subis de ton compagnon ou de ton père, je te dirai quel citoyen il est...
Ce point est loin d'être acquis dans nombre de pays d'immigration. Considérons le Maroc, par exemple, pays réputé calme et tolérant : le sage roi Mohamed VI y a fait une réforme de fond, il y a quelques années, modifiant le code de la famille afin de garantir des droits civils et politiques aux femmes à peu près équivalents à ceux des hommes. Un récent sondage indiquait que seule une courte majorité de Marocains approuvent cette réforme, 37% la jugeant suffisante et 17% souhaitant qu'elle aille plus loin.
Je suppute sans grand risque de me tromper que dans un autre pays arabo-musulman le seuil de 50% d'approbation n 'eût même pas été franchi. En la circonstance, c'est la figure charismatique et peu commune du roi qui a fait la différence.
Pour revenir à la nationalité à points, je connais au moins un endroit où le droit du sol va poser de graves problèmes : à Mayotte. Mayotte n'est pas une île très riche, mais, pour les îles très pauvres qui l'entourent, c'est Byzance. Si la France continue à appliquer le droit du sol tel quel là-bas, la départementalisation de cette île va exploser en vol faute de fonds car ces derniers seront littéralement aspirés par la protection sociale.
La loi d'Élisabeth Guigou, de 1998, est une mauvaise loi, puisqu'elle accorde sans condition la nationalité à tout enfant d'étrangers né sur le sol français dès lors qu'ils ont disposé sans interruptioon d'une carte de résidents de sa naissance à sa majorité.
Le mariage ne devrait pas non plus être suffisant. Il devrait suffire simplement pour pouvoir résider sur le sol français le temps d'une période de probation. La moindre plainte (fondée, évidemment, et reliée à un acte de délinquance) entre deux devrait aboutir a remettre en cause l'acquisition de la nationalité par le conjoint. Je pense particulièrement aux violences faites aux femmes (conjointe y compris, cela va de soi).
Au final, ce qui est fondamental, à mon sens, c'est la volonté et non la descendance ou la présence dans l'acquisition de la nationalité. Ni le droit du sol, ni le droit du sang ne devraient être suffisants ou nécessaires, à eux seuls, pour statuer de la nationalité d'un individu souhaitant devenir Français.
Il convient donc de revenir sur toutes les dispositions accordant sans conditions la nationalité aux étrangers, aux enfants d'étrangers et aux conjoints d'étrangers en les assortissant de critères et de périodes probatoires de manière systématique.
Commentaires
l'enfer est pavé de bonnes intentions.
En effet un tel système est non seulement la garantie que seuls les "nationaux" expriment quoique ce soit publiquement mais en plus il officialise la stagnation de la société que ne saurait plus s'adapter aux flux migratoires.
Donc fin d'une société qui grandit avec sa population et fin de la liberté inconditionnelle d'expression.
Et de plus c'est la porte ouverte au retrait de la nationalité pour comportement "anti-national"....
@ l'Hérétique
Bon retour donc.
Pour le marquer, tu attaques fort !
Je suis très réservé par ta proposition.
Pourquoi ? Cette idée va à l'encontre d'un des principes intangibles de notre République, l'égalité.
Je ne suis pas sûr qu'une telle loi soit constitutionnelle si elle était déférée au Conseil Constituionnel.
Quand bien même serait-elle votée, ton idée consacrerait une forme d'apartheid à la française. La qualité de citoyen, dans notre tradition, est unique.
Si au terme de la période probatoire que tu préconises, il était décidé (par qui au fait) de ne pas accorder la nationalité, il convient de se demander quelles solutions seraient retenues :
- reconduite à la frontière (laquelle ?) avec famlle et bagages,
- octroi d'une carte de séjour ? Mais on créerait des résidents "entre deux" ce faisant.
Par contre, je suis favorable à l'octroi de la nationalité au terme d'un apprentissage "citoyen" et linguistique.
Mais à propos de l'usage du français, il ne faut pas oublier que nos aïeux étaient pour beaucoup dans l'ignorance de la langue française avant que l'école laïque et obligatoire en dévekoppe la pratique. En étaient-ils pour autant moins citoyens ?
L'édit de François 1er n'imposait le français que dans les actes officiels.
Heureuse de vous voir de retour :)
J'avais décidé de m'éloigner mais n'ai pas su résister à cet appat.
En ce qui concerne le mariage, il me semble que l'acquisition de la nationalité n'est plus systématique et les enfants sont amenés à faire un choix aussi.
L' acquisition du niveau de la langue est testé déjà, et sur ce point je rejoins la position de Thierry les cours dispensés sont insatisfaisants: ils relèvent souvent du milieu associatif ,décentralisation oblige, mais pour les femmes issues de l'immigration directement et souvent analphabètes à la base ils n'apportent pas un niveau suffisant.
Pour la violence faite aux femmes, cela m'évoque un cas que j'ai pu résoudre durablement en m'appuyant sur son tissu familial et clan.
Je crois que dans certains cas, les préfets tiennent actuellement compte du comportement citoyen, ce sont eux qui "gèrent" ces problèmes, et période probatoire il y a.
Bonjour L'Hérétique, content de votre retour.
Marchandage pointilleux pour la Nationalité,
hum...N'aime pas trop le principe.
Pas facile ce sujet de la nationalité en effet (au fait, ravie moi aussi de ton retour l'Hérétique :-)) !
Pas sûr que le sage Mohamed VI dont tu parles le soit autant que son grand-père Mohamed V... J'en veux pour preuve cette drôle de réaction à la suite d'un sondage qui lui était pourtant favorable apparemment : http://www.rue89.com/2009/08/05/le-maroc-adore-mohamed-vi-qui-ne-veut-pas-que-ca-se-sache
Sinon, concernant la nationalité de sang ou de présence sur un territoire, puis-je te donner un exemple personnel : mon petit dernier est né au Qatar (un émirat du Golfe Persique) et s'il avait été reconnu qatari, il serait actuellement propriétaire d'une magnifique maison (style château des mille et une nuit avec robinetterie dorée à l'or fin, marbres partout etc.) puisque chaque enfant du pays est doté à sa naissance d'un terrain et d'une habitation et se voit attribuer un (pseudo) job à vie, fonctionnaire au service de son Emir, style officier militaire ou à la radio/télévision entre autre. C'est leur fameux "revenu d'existence" à eux. Mais vous pensez bien que les "étrangers" n'y avaient pas droit. Pour ma part je ne pense pas que dans un pays qui prônait à l'époque la supériorité absolue de l'homme sur la femme j'aurais aimé que mon fils en soit ressortissant... J'y ai séjourné quatre années durant lesquelles, en tant que femme européenne -alors que les femmes qataries n'y avaient pas droit encore !- j'ai pu travailler (à la radio) et aller où je voulais, après avoir repassé mon permis de conduire toutefois. Ce qui était étonnant c'est que la plupart des femmes du Qatar devaient se promener voilées, se faire conduire dans les magasins sous la surveillance de leurs chauffeurs, alors que les "occidentales" étaient autorisées elles à se promener toutes seules et librement (en tenue correcte évidemment : pas de décolletée ni de shorts ou jupes courtes). Mais je suis certaine malgré tout que chaque femme étrangère était plus ou moins suivie, surveillée. Une autre obligation pour une femme occidentale était encore de ne rentrer que sous le statut de "femme mariée" et obligatoirement de religion chrétienne (peur de laisser rentrer des personnes juives).
Heureusement tout cela a considérablement évolué depuis l'arrivée au pouvoir en 1995, du fils de l'Emir que je connaissais alors. C'est un pays indépendant, hébergeant une "chaîne de télévision libre" la célèbre "Al Jazeera" et la presse est relativement moins orientée.
Le Qatar a même naturalisé des étrangers comme certains sportifs.
Il faut cependant déplorer l'exploitation des travailleurs étrangers qui sont en proportion considérable par rapport à leurs employeurs (80%/20% je crois). C'est quasiment de l'esclavage pour certaines personnes et c'est donc indigne d'une société moderne.
Alors envie de devenir qatarie pour le palais et la ceinture en or ?! Non vraiment pas.
J'aimerais bien voir par contre certains qataris devenir français ! Nous étions amis avec une famille dont lui avait fait ses études en France (interprète de l'Emir) et il considérait sa femme comme étant son égale, l'encourageant à travailler ! ;-)
http://fr.wikipedia.org/wiki/Qatar
@ jpm
Il me semble normal, en effet, que dès lors qu'on demande la nationalité, on se tienne à un certain devoir de réserve. Une fois cette dernière acquise, bien évidemment, rien n'empêche d'adopter une autre attitude sur ce sujet.
Pour le reste, je ne vois pas de quelle stagnation vous parlez : s'il s'agit de la démographie, je pense qu'il y a tout de même d'autres mesures possible que l'immigration pour faire remonter le taux de natalité.
@ Thierry
si les points obtenus ne sont pas suffisants en raison de comportements asociaux ou délinquants, oui, reconduite à la frontière, évidemment.
Dans les autres cas, à voir au cas par cas. On peut tout de même envisager une seconde tentative, il ne faut pas non plus être obtu.
Le droit du sol est ancré dans notre tradition. Il ne s'agit pas de le révoquer mais ne pas en faire le seul mètre-étalon de la nationalité française.
@ CK
Il vaut mieux être trop pointilleux que faire preuve de prodigalité dans ce domaine.
@ Martine
le problème c'est qu'ils sont actuellement dans une logique de chiffre, les préfets, comme le veut Sarko, et que du coup, ils ont abdiqué toute forme d'intelligence sur le traitement de l'immigration...
@ Françoise
salut Françoise. Anecdote intéressante.
Euh, disons pour mon expérience, il y a des soucis plutot au niveau de la base,certains font de l'excès de zèle ou ne savent pas lire, il faut croire...
Et puis, les interventions d'assos personnalisées (par une simple présence)sont plus efficaces, mieux que le juridique et surtout moins onéreux pour eux, dans certains cas.
Oui, à décoder...
C'est une position de bon sens et il est regrettable qu'elle soit si peu partagée...
Mais attention toutefois à certains écueils qui compliquent singulièrement l'affaire : par exemple les conditions dans lesquelles s'effectuent certaines procédures (il a été souligné entre autres les insuffisances de l'apprentissage de la langue) ou encore le non remplissage de certains critères par des nationaux eux-mêmes pourtant "de souche" (qu'on pense aux traitements faits aux femmes ou tout simplement à la maîtrise de la langue...).
@ Florent
Les critères éthiques me paraissent plus importants encore que la connaissance de la langue.
La loi française est claire sur les femmes. Nous n'avons pas vocation à "importer" des délinquants même si nous-mêmes en avons sur notre sol.
Pour l'apprentissage de la langue, 5 ans, cela doit permettre d'en maîtriser les fondamentaux ou alors il y a un problème d'insertion et d'intégration.
"Je suppute sans grand risque de me tromper que dans un autre pays arabo-musulman le seuil de 50% d'approbation n'eût même pas été franchi."
Je suis très surpris. Ne connais-tu pas la Tunisie ? Le Code du statut personnel date de 1956, c'est l'un tout premiers textes promulgués à l'indépendance, avant même la proclamation de la République ! En Tunisie, le statut de la femme est emblématique du pays au même titre que la laïcité l'est en France. Bref : c'est une fierté nationale, on n'y touche pas. C'est même le seul pays au monde où il y a DEUX journées de la femme : le 8 mars avec le reste du monde, et le 13 août, anniversaire de l'adoption du CSP, qui est un jour férié.
En Tunisie, les femmes représentent 58% des étudiantes de l'enseignement supérieur, 72% des pharmaciens, 42% des médecins, 30% des avocats, 40% des professeurs d'université, 15% des membres du gouvernement, 23% des députés et 27% des conseillers municipaux. Et ceci sans la moindre loi sur la parité s'il vous plaît.
Même au regard des standards occidentaux, la Tunisie est un pays qui n'a pas à certainement pas à rougir de la place occupée par les femmes dans la société. Et ceci, tout en ayant depuis l'origine continuellement reconnu à l'islam le statut de religion d'État. Preuve que les deux ne sont pas incompatibles !
@ KPM
Impressionnant ! tu as une source pour tous ces chiffres ? Quel dommage que le pays soit aussi corrompu et que les droits les plus élémentaires y soient si peu respectés ! Je ne pensais pas que c'était autant et m'imaginais que cela ne concernait que le nord.
Sources :
http://www.rfi.fr/francais/actu/articles/080/article_45545.asp
http://www.independance.tn/francais/index.php?option=com_content&task=view&id=20&Itemid=34&limit=1&limitstart=2
http://www.ipu.org/parline-f/reports/1321_E.htm
Le seul point important pour lequel les femmes n'ont pas pu obtenir l'égalité avec les hommes, c'est pour l'héritage. Il faut également tenir compte des décalages de facto entre la ville et la campagne, mais dans l'ensemble la femme tunisienne est émancipée depuis plus de 50 ans.
Je me risquerais même à dire qu'elle aurait bénéficié de ces avancées dès 1945 si l'indépendance avait été obtenue à l'issue de la guerre comme cela avait été promis à Bourguiba par les chefs alliés.
D'ailleurs, en parlant de la burqa, c'est tout bonnement impensable en Tunisie. Même le hijab est interdit dans les écoles et les administrations publiques - et d'ailleurs il n'était porté par personne avant les années 2000, le seul voile porté par les tunisiennes étant le voile blanc traditionnel des femmes âgées.
Ah ben... en vla une autre. J'ose même pas imaginer ce que nos dirigeants actuels sont capables d'en faire de ton permis (de respirer) à points.
Si un jour on te retire la nationalité française paske tu auras été mécontent de quelque chose et que tu auras osé le dire... je protesterai vivement, mais tu m'empêchera pas de ricaner dans mon absence de barbe!
@ cultive ton jardin
Il faut évidemment être très vigilant. De mon point de vue, c'est surtout la délinquance qui doit faire la différence.