La question de l'anonymat des blogueurs a souvent agité les blogs ces deux dernières années, mais je n'ai presque jamais lu de billets sur celui des commentateurs et particulièrement sur ceux qui s'en servent pour pratiquer la délation et/ou la calomnie.
Je sais déjà que l'on va me décerner un point Godwin mais je ne renoncerai pas à la comparaison la plus évidente qui me vient à l'esprit, et je l'ai laissée en commentaire chez Ginisty.
Y'a vraiment des mecs, ils ne savent pas quoi faire de leur vie. J'ai une aversion innée pour les corbeaux. Les délateurs me font littéralement gerber, particulièrement quand leur objectif principal est de venir salir la réputation d'un type honnête et loyal.
Tu es bien bon d'avoir pris la peine de répondre.
Tu as raison de comparer avec Vichy. Dans des circonstances extrêmes, ce sont ces gens-là qui t'envoient direct en camp de concentration et/ou dans les caves de la Gestapo.
Et j'ajoute cette précision toujours à la suite de son billet :
Je pense que Danièle a raison. Les manuels d'histoire nous noient la seconde guerre mondiale dans un joli conte de fée. En réalité, les Français ont accepté sans sourciller la domination allemande jusqu'en 42 puis, avec un opportunisme parfait se sont progressivement retournés du côté des Alliés à partir de 43.
Ce n'est qu'une minorité, en effet, qui a résisté dès 40-41.
Et sur les dénonciations, mieux vaut ne pas chercher de trop près. On pourrait en trouver jusque dans les rangs de la Résistance. Cela dit, ce fut surtout le cas des "voisins" ordinaires qui agissaient par cupidité ou par mesquinerie, avec les conséquences dramatiques que l'on connaît.
Il faudra bien, un jour, que la France révise sans concessions son histoire. Et il y aurait long à dire aussi sur la première guerre mondiale .
Je lis souvent des réactions indignées d'autres commentateurs qui jugent la comparaison disproportionnée. Non. Elle ne l'est pas. Pas plus que le comportement de certaines préfectures avec des étrangers en situation irrégulière dès lors qu'elle applique de manière aveugle mais zélée consignes et procédures. Vichy, monument de honte de notre histoire, demeure une référence pour l'éthique et la morale. Je suis absolument convaincu que ceux aujourd'hui qui utilisent Internet pour salir la réputation de quelqu'un, lui causer du tort dans sa vie personnelle et professionnelle seraient les premiers à dénoncer secrètement ceux qu'ils jalousent ou haïssent (généralement en raison de divergences d'opinions mais parfois pour des motifs plus futiles) à une police politique. Oh, bien sûr, dans un premier temps, ils hésiteraient, mais, assez rapidement, la mesquinerie et la lâcheté l'emporteraient sur tout scrupule.
Entre le bien et le mal, pour la délateur, il n'y a souvent que l'épaisseur d'une feuille de papier.
A Athènes on appelait sycophantes les individus qui faisaient profession de dénoncer, car c'était une profession. L'orateur Démosthène qui se manifesta souvent par des prises de position courageuses, les appelaient les chiens du peuple. Et chien, chez les Grecs, cela ne signifiait pas brave toutou...
Aristophane, le grand poète comique grec, qui a inspiré Plaute et Molière, met en scène un sycophante dans sa pièce les Acharniens et voilà comment l'un des personnages, Dicéopolis, le décrit :
« vase à brasser les infamies,
mortier pour touiller les procès
poubelle à éplucher les comptes,
bassine à brouiller les affaires ! »
Je me suis rendu à plusieurs reprises à Venise, et là-bas, en visitant le Palais des Doges, il y a une sorte de frise qui a attiré mon attention. Oh, elle est connue : on l'appelle la bocca di leone (voir image en début d'article). Les Vénitiens y déposaient des lettres de dénonciation, elles devaient être signées et accompagnées du témoignage d' une autre personne pour être prises en compte, toutefois.
Vous pariez combien qu'elles seraient pleines si on les remettait à l'honneur dans notre démocratie ?
Commentaires
Beau billet, très hérétique ;-)
J'ai lu, chez Christophe aussi...
Du grand "n'import Nawak" !
On atteint les bas fonds de la nature humaine.
Certains diront que par souci de "transparence" d'autres que "fascisant".
Christophe a eu raison de cloisonner à un instant I , à défaut il lui aurait été reproché de "donner dans le compassionnel" etc...Que pour un pro de la com...J'en passe et des meilleures!
Le mal étant fait, il est juste qu'il s'en explique.
En toute franchise tout ceci ne porte aucunement atteinte à l'estime que je porte à l'engagement de christophe.
L' anonymat est respecté dans mon milieu professionnel car il peut libérer la parole, fort heureusement il n'est pas utilisé pour s'invectiver ni pour nuire mais pour favoriser les retours d'expériences profitables à tous.
Le pire est que tu n'as pas forcément tort, Hérétique... Tu as même plutôt raison.
Les bas fond de l'être humain se retrouvent aussi sur nos sympathiques blogs...
Bon weekend
Aurais-tu écouté Thiéfaine ces derniers temps ?
"Je me sens coupable d'être né français, de parents français, d'arrière-arrière... etc. grands-parents français, dans un pays où les indigènes pendant l'occupation allemande écrivirent un si grand nombre de lettres de dénonciation que les nazis les plus compétents et les mieux expérimentés en matière de cruauté et de crimes contre l'humanité en furent stupéfaits et même un peu jaloux. Je me sens coupable de pouvoir affirmer qu'aujourd'hui ce genre de pratique de délation typiquement française est toujours en usage et je prends à témoin certains policiers compatissants, certains douaniers écœurés, certains fonctionnaires de certaines administrations particulièrement troublés et choqués par ce genre de pratique. Je me sens coupable d'imaginer la tête laborieuse de certains de mes voisins, de certains de mes proches, de certaines de mes connaissances, de certains petits vieillards crapuleux, baveux, bavards, envieux et dérisoires, appliqués à écrire consciencieusement ce genre de chef-d'œuvre de l'anonymat. Je me sens coupable d'avoir une gueule à être dénoncé..."
On a déjà eu des échanges sur le sujet et j'ai bien cru mourir net à l'époque en lisant tes billets.. Tu te souviens, R, j'ai presque sorti la carte de résistant de mon père ( car ils ont eu des numéros, eux aussi ).
Aujourd'hui je m'y attendais en sortant du blog de Christophe, donc le coup est moins rude de te voir à nouveau cracher sur la génération de nos parents et je t'en veux moins. Je me dis seulement "où est la félure chez lui pour avoir l'échine si sensible sur le sujet ?". Et je te comprends presque mieux, car c'est sur le racisme, moi, que je suis comme ça.
Reste à demander à Ségo de demander "Pardon".
Danielle Lachet
Bonjour Danielle
J'ai une très grande admiration pour les Résistants, je peux te le dire. Ils ont sauvé l'humanité, à mes yeux, simplement par leur courage et leur engagement héroïques.
@ Alain
hélas :-(
Et les seules choses qui ne sont pas dénoncées, en France, ce sont les crimes et les délits parce que là, en revanche, il y a une omerta. Pays pourri... :-(
@ L'hérétique
Question innocente, n'étant pas aussi versé que toi dans l'antiquité grecque : Démosthène n'entendait-il pas parler de "chiens de guarde"?
Chiens de garde dans le sens : gardiens du peuple en dénonçant les puissants...
"leur objectif principal est de venir salir la réputation d'un type honnête et loyal."
Il vaut mieux savoir de quoi on parle. Si vous connaissiez VRAIMENT Ginisty, si vous l'aviez VRAIMENT fréquenté, vous sauriez que c'est un opportuniste et qu'il est tout sauf honnête et loyal. C'est un de ceux de la pire espèce.
Le problème avec Danièle, que tu cites en exemple, c'est qu'on est victime de la comparaison avec Vichy dès qu'on refuse de dévoiler publiquement sa propre identité... J'ai subi ce travers par le passé sur e-soutiens, alors que je m'exprimais sous le pseudo (certes pas très plaisant) de "DarthVader".
Il y a deux poids, deux mesures, et il faut savoir raison garder. Les "corbeaux", c'est infâme. Mais il ne faut pas crier au loup non plus pour n'importe quoi.
Bon, je me lance... rien d'autre à faire (insomnies)... puis on répond pas à ma p.. de question sur Démosthène!
Les comparaisons à Vichy, c'est à la fois excessif et trop dou. Le contexte qui préside au régime de Vichy est particulier... Qu'aurai-je fait, moi-même, dans une telle situation? Des choix extrêmes, certainement, que ce soit la résistance ou la collaboration. N'étant pas fasciste (terme utilisé dans le sens "générique"), la résistance, mais n'étant pas communiste... La résistance était (est?) en majeure partie nationaliste ou communiste alors... Bref, j'essaie simplement d'exprimer le problème de la collaboration de manière plus nuancée que la plupart du temps. Les nazis, qu'on le veuille ou non, ont proposé un idéal sociétal, une idée d'Europe, par lesquels certains intellectuels ont été séduits (évidemment inacceptable, mais compréhensible). Maintenant la délation ce n'est pas une question de régime de Vichy ou autre... C'est le caractère propre (sale) de l'être humain, et celui-ci est favorisé par certains régimes. Mais je ne comparerai jamais les délateurs d'aujourd'hui aux partisans de Vichy, car quoi qu'on en dise, qu'on soit opposé à ces derniers (moi en premier), il y a chez eux soit une idée, soit une faiblesse (expliquée par un contexte qui n'est pas le même aujourd'hui). Les délateurs d'aujourd'hui sont-ils menacés?
@L'Hérétique
Je réitère ma question concernant Démosthène (dans l'immédiat je n'ai pas de bibliothèque à disposition et ça me démange)
Hello Pas convaincu ! Je crois me souvenir que notre hôte s'absentait quelques jours... A mon avis il vous faudra encore patienter quemques heures. ;-)
Je vois que vous citez Démosthène... lui qui s'entraînait à parler plus fort que le vacarme de l'océan ! Un orateur pratiquant la nuance lui au plus haut point et qui savait répondre par ses "philippiques" à la moindre attaque des hypercritiques, les "pinailleurs" (ceux qui ont l'art d'accuser les autres de mauvaises pensées alors qu'elle viennent d'eux-mêmes seulement).
J'adore Démosthène !
@Pas convaincu,
Parleriez-vous de ceci:
" Pourquoi? C'est qu'un homme qui veut accuser les autres citer tout le monde en justice, doit être lui-même irréprochable, afin que les crimes de l'accusateur ne soient pas pour les accusés un moyen d'échapper à la justice, Or personne dans Athènes n'est plus noirci de crimes et de crimes plus atroces qu'Aristogiton. [40] Pourquoi donc le conserveriez-vous? C'est le chien du peuple, disent quelques-uns. Oui, certes ; mais c'est un de ces chiens, qui, au lieu de mordre ceux qu'ils veulent faire passer pour des loups, dévorent les brebis même qu'ils s'engagent de défendre. Car à qui des hommes publics a-t-il fait autant de mal qu'a tous les particuliers qu'il persécute indistinctement ? Quel homme public a-t-il cité en justice depuis qu'il recommence à parler au peuple? Que de particuliers, au contraire, n'a-t-il pas attaqués par des décrets pour lesquels il s'est vu condamné ? Mais, comme on dit ordinairement qu'il faut se défaire des chiens qui ont goûté la chair des brebis, il faut de même se défaire de celui-ci au plutôt, d'un méchant homme qui n'est d'aucune ressource dans les choses où il se vante le plus d'être utile. [41] Voici de sa part un procédé aussi odieux qu'impudent. Après vous avoir trompés tous ensemble par les invectives qu'il débite dans les assemblées, et par l'insolence avec laquelle il attaque tout le monde, il vous en punit chacun à part, accusant, calomniant, rançonnant, non pas, certes, des orateurs du peuple qui peuvent lui tenir tête, mais de simples particuliers et des hommes peu instruits : ceux qui ont été l'objet de ses attaques, ne le savent que trop."
Extrait du lien suivant:
"Harangue contre Aristogiton"
http://remacle.org/bloodwolf/orateurs/demosthene/aristogiton.htm
@ Françoise
Loin de moi l'idée de 'pinailler', c'était réellement une question en toute innocence (sur Démosthène, que l'Hérétique a cité... et plus généralement sur le rôle des sycophantes dans la société grèque, athénienne je suppose)
@ Martine
Merci de m'avoir éclairer, ça doit effectivement être d'une vague réminiscence que m'est venue cette interrogation...
En tous les cas (là je pinaille peut-être une peu) les sycophantes étaient donc considérés comme chiens DE GUARDE, et l'attaque de Démosthène était personnelle...
Pour le reste, la question de la dénonciation est complexe, tout dépend du lieu et du temps... Dans la Grèce antique (à Athènes du moins), c'est visiblement admis. La morale judéo-chrétienne la dénonce (soit dit en passant, 'la bocca di leone' acceuillait des plaintes formelles, avec signature et témoin, loin d'une dénonciation... d'accord de la pinaillerie). Le régime soviétique l'a érigée en loi... Et maintenant?? espérons...
@Pas convaincu,
Il existe une autre voie, pas simple ni facile, mais elle a le mérite d'exister. :)
@ Martine
Quelle voie??? C'est avec ou sans... non? (moi c'est plutôt ni sucre ni lait)
Régime sans sucre, lait peut-etre un peu...
Vraiment navrée "Pas convaincu" si vous avez senti une attaque contre vous dans mes propos ! Non, non, je vous jure qu'en parlant des hypercritiqueurs et des "pinailleurs", je ne pensais pas du tout à vous ! Je ne me permettrais pas, surtout après les échanges très cordiaux que nous avons eu sur mon blog au sujet des Compagnons du devoir; :-)
Je suis désolée de m'être mal exprimée.
Je voulais juste dire que j'aimais beaucoup le système de pensée de Démosthène qui justement savait identifier ceux-là même qui "mangeaient les brebis" qu'ils prétendaient soi-disant défendre tels "des chiens" comme Martine justement avait vu sur l'extrait qu'elle vous a relevé.
Mille excuses encore une fois si je vous ai meurtri. Je veux juste dire que je suis une "admiratrice" de ceux qui voient les attaques subtiles des "pinailleurs". Ceux qui sont bien entendu de mauvaise foi. L'art de montrer un petit détail pour détourner du vrai problème. L'art de monter en épingle un fait divers pour cacher un drame... L'art de masquer le fond d'une idée par sa forme etc.
Avec toute mon amitié. :-)
@ Françoise
Bien sur il y a mal entendu au départ (je ne faisais que poser une question 'technique', à laquelle Martine a répondu), mais sans vouloir vous offenser, epargnez-moi le discours mielleux politicard... Vous m'avez l'air d'être quelqu'un de bien...
Et il me semble que je pose la VRAIE question : la place de la délation dans une société...
@Pas convaincu,
Quand vous parlez de société, parlez-vous d'état ou d'entreprise?
(clin d'oeil à Françoise)
@ Martine
Je parle de société comme communauté de personnes. Un état en est un exemple, une entreprise une autre... mais cette notion, à l'heure de la mondialisation, peut dépasser les frontières : il n'y a pas que votre pays (et ses blogueurs) qui soit touché par cette (re?)banalisation de la délation, loin de là... cela me semble être un mouvement généralisé en "occident" (une "société occidentale" ou des "sociétés occidentales").
@ pas convaincu
euh, je n'ai pas compris la question à propos des chiens de garde.
@ L'hérétique
Je me demandais si les sycophantes n'étaient pas considérés comme 'chiens de garde' du peuple (pas des bons petits toutous c'est vrai), et donc de manière plutôt positive. Commme Martine me l'a apris, l'attaque de Démosthène était personnelle, contre un de ces 'chiens de garde' qui s'est retourné contre ses 'brebis' (à moins que vous ne visiez un autre texte de Démosthène).
A dire vrai l' hérétique, moi non plus, raison pour laquelle, j'ai déposé le texte sans plus de commentaire.
@Pas convaincu,
La délation n'existe pas qu'en "occident", dsl.
@ Martine
Je parlais de société 'occidentale' car elle est imprégnée d'une culture judéo-chrétienne qui considère la délation comme une mauvaise chose. Pas un crime en tant que tel, mais..., le christ a été 'dénoncé' par un 'traitre'... cela marque notre culture 'occidentale', dans un refus (jusqu'à présent) de la délation...
@ l'hérétique
" C'est le chien du peuple, disent quelques-uns. Oui, certes ; mais c'est un de ces chiens, qui, au lieu de mordre ceux qu'ils veulent faire passer pour des loups, dévorent les brebis même qu'ils s'engagent de défendre."...
Ca me semble assez clair... attaque personelle, chien c'est bien...
Bon, si vous comprenez toujours pas, faisons plus simple: chien = bien, parce que soit auxiliaire de chasse, soit gardien... Chien n'est pas à mon sens une insulte dans la grèce antique...