Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Une centriste indépendante réagit au projet économique du "libéral" Delnoë

 

508049862.jpgJ'ai ici la copie de la réaction de Valérie Sachs, centriste indépendante au Conseil de Paris, à la communication de Monsieur "Libéral", alias Bertrand Delanoë.Franchement, je suis d'accord en tous points. Valérie a longtemps fait partie d'une des commissions économiques de l'UDF, puis du MoDem, quelques temps, et je travaillais dans son groupe. J'ai d'ailleurs l'intention de continuer à participer à son think thank, car il déborde largement les clivages politiques. En tout cas, quand je lis ce qu'il y a là-dessous, je soupire d'aise, moi :-) Ah si, il y a tout de même un passage qui m'a fait tiquer : le groupe Centre n'est pas le seul refuge pour les libéraux, les humanistes et les véritables Européens. Il ne faudrait pas non plus oublier le MoDem...

 

 

Monsieur le Maire,

Mes chers collègues,

Les familles politiques dont notre groupe est la synthèse libérale, centriste et européenne s’attachent depuis toujours à encourager Paris à développer une véritable ambition économique en phase avec le rythme de l’économie mondiale, et à créer un environnement attractif propice à attirer l’investissement et à retenir les ressources humaines, financières et technologiques. Quel rôle peut jouer la Ville de Paris pour promouvoir la recherche et l’innovation ?

I –

Nous reconnaissons au maire d’une métropole internationale une force d’impulsion politique qui renforce considérablement ses compétences réelles. Nous saluons par exemple la démarche du Maire de New York dans la réforme de la place financière new-yorkaise. Il a réussi à faire la synthèse entre démocrates et républicains, entre la ville, l’administration fédérale et les élus des trois états impliqués, pour ne pas rajouter à la concurrence internationale une concurrence régionale.

La symbolique de proposer ce thème à l’ordre du jour après le logement, comme seconde priorité de la mandature, est forte et nous l’interprétons comme une réelle volonté politique du Maire de Paris d’afficher son ambition sans tabou, « avec audace ». Le hasard du calendrier nous oblige à entendre votre communication comme un écho à vos écrits et face à l’affirmation de votre humanisme libéral, nous ne pouvons que vous souhaiter, Monsieur le Maire, bienvenue parmi nous, bienvenue au groupe Centre, seul vrai refuge pour libéraux, humanistes et véritables européens !

Nous partageons votre constat de la montée en puissance des villes-mondes par rapport aux Etats. Nous partageons votre crainte de voir Paris décrocher par rapport aux autres métropoles mondiales. Nous aimons croire nous aussi que « la compétition économique est devenue celle de l’intelligence », que les fils conducteurs en seront la solidarité, la recherche d’une fraternité entre les hommes et les territoires. Maisles beaux concepts peuvent sonner creux face à la concurrence internationale que se livrent les métropoles entre elles.

Nous regrettons le manque de regard critique sur le bilan de la mandature passée, même si nous reconnaissons bien volontiers que de bonnes choses ont été initiées. Nous craignons une simple rationalisation des projets lancés, même si nous notons avec satisfaction votre engagement « de concentrer l’effort avec une stratégie volontariste qui place la Ville comme un acteur à part entière ».

Vous nous assurez que Paris s’engagera « au-delà de ses compétences institutionnelles et de ses limites territoriales ».Votre communication n’est elle pas prétexte à un positionnement où le Maire de Paris se taille un costume pré-présidentiel sur mesure ?

Monsieur le Maire, la stigmatisation du désengagement de l’Etat affaiblit toujours le discours. L’Etat, s’il se désengage, n’en a pas moins doté Paris d’atouts de poids. Dans le cadre de la loi sur la recherche votée en 2006, Paris dispose de réseaux en mathématiques, informatique, biologie, neurosciences, économie et du pôle de compétitivité mondial Finance Innovation.

La nomination d’un Secrétaire d’Etat chargé du développement de la Région Capitale assure que l’Etat assumera son rôle de « pilotage stratégique ». Christian Blanc annonce deux projets structurants : la création d’un cluster sur le plateau de Saclay et l’aménagement de la Plaine de France. Votre communication semble s’inscrire dans une logique parallèle voire alternative et nous craignons que Paris n’en souffre.Vos ambitions sont-elles compatibles ?

II –

Nous avons bien compris qu’il s’agit pour l’instant des grandes lignes d’un plan stratégique mais nous regrettons le peu d’innovation par rapport à la mandature précédente, sauf deux clusters Design  et Innovations urbainesqui au demeurant semblent prometteurs.

Le développement des trois axes choisis esquisse une économie parisienne de la recherche et innovation à nos yeux trop dirigiste, enfermée dans une architecture de projets qui se déclinent de haut en bas ; or l’innovation ne se décrète pas. La Ville se veut « opérateur », nous l’imaginons davantage en accompagnateur, en facilitateur. La méthode semble manquer de vision concertée entre tous les acteurs impliqués, et rien ne semble pouvoir modifier significativement le contexte économique parisien.

Vous prenez acte que « la nouvelle géographie du développement économique se constitue en un réseau qui dessert les centres névralgiques de la finance, de la recherche et des nouvelles technologies », et vous avez raison. Vous rappelez qu’au Etats-Unis une start-up lève dix fois plus de capitaux qu’en France. Mais vous n’en tirez pas toutes les conséquences.

Comment comptons-nous attirer les investissements de recherche dans nos universités parisiennes, sachant que les entreprises sont libres de puiser en Chine, en Inde, en Russie, que le Brésil ou Singapour offrent des réductions d’impôts à ceux qui investissent dans leurs universités ?

Comment allons-nous agir pour pallier le manque de financement en fonds propres qui nous prive d’emplois ? Soulignons l’avancée de la réforme de l’ISF qui permet d’échanger le montant à versercontre un investissement dans une PME.

Vous avez raison de vouloir faciliter l’amorçage des jeunes entreprises, encourager les incubateurs et les business angels. Mais pour avoir un meilleur impact, il faut en parallèle encourager la croissance de la gestion d’actifs à Paris. Toutes les études montrent que les investisseurs préfèrent détenir des actions d’entreprises installées à proximité. C’est là une chance considérable pour le Grand Paris et ses entreprises.

Il faut défendre la place financière parisienne qui est la clé de voûte de l’innovation. L’innovation, c’est un continuumentre recherche et développement, entre université et entreprise, entre politique industrielle et marchés financiers. Notre rôle politique est de faciliter ces interactions, de contribuer à la puissance de Paris, place financière. La prédominance de la City de Londres n’est pas une fatalité.

Permettez-moi une remarque : Warren Buffett, investisseur légendaire, était la semaine dernière en Europe pour faire son shopping, pour investir dans des entreprises familiales. Il a fait escale en Allemagne, en Italie, en Espagne, en Suisse, mais pas à Paris. Qu’attendons- nous pour le faire citoyen d’honneur de la Ville ?

Votre communication semble faire du problème social des étudiants la clé des questions de recherche et d’innovation, alors que l’enjeu nous semble ailleurs même si les problèmes des conditions de vie et du logement étudiant doivent être réglés. Vous conviendrez avec moi qu’en ce qui concerne la rénovation des locaux, la Ville de Paris ne fait que sa mission.

Je ne résiste pas à la tentation de proposer mon arrondissement pour accueillir les meilleurs chercheurs étrangers dans des « logements de prestige », je suis sûre que cette proposition aura l’accord de Claude Goasguen, député-maire, de Bernard Debré,député du XVIe nord et de Jean-Yves Mano, votre adjoint.

Comment faire oublier le classement de Shanghai, favoriser la création de start-ups et le développement des entreprises existantes ? La loi sur l’autonomie des universités est un bon début. Nous voulons des pôles universitaires attractifs qui attirent les talents du monde entier et des entreprises dynamiques qui retiennent nos jeunes diplômés.

Nous avons tous conscience que les départements d’essaimage et les incubateurs universitaires sont des moteurs à la création des entreprises. Le Royaume-Uni compte un incubateur par université. 40% des sociétés de biotechnologie cotées à la bourse de Londres sont issues du cluster de Cambridge. C’est pourquoi nous partageons vos projets de cluster d’envergure mondiale, de financements à travers des partenariats public/privé, d’utilisation de la commande publique, outils dont nous-même vantions les mérites dans notre projet de « Small Business Act à la parisienne »1.

Nous devons encourager les professeurs et les chercheurs à s’impliquer dans les entreprises tout en poursuivant leur carrière universitaire. Nous pourrons alors attirer et retenir les meilleurs, assurés ainsi de voir leurs travaux valorisés par un retour financier pour eux comme pour leurs laboratoires.Nous recommandons d’associer sans cloisonnement de statuts ou de culture, chercheurs publics et privés, créateursd’entreprises et investisseurs capables d’intervenir à chacun des stades de la création jusqu’à l’introduction en Bourse. Paris doit encourager les universités à vocation scientifique et technique à cohabiter avec nos écoles de management sur le principe du MIT de Boston.

 

En conclusion, nous retiendrons les trois mots de Jean-Louis Missika pour résumer votre communication : continuité, amplification, inflexion.Nous prenons actequ’il s’agit d’un plan stratégique en cours de finalisation dont certains aspects clés ne sont pas tranchés.Nous nous interrogeons par exemple sur le montant et l’affectation de l’enveloppe d’un milliard d’euros, ou sur la façon dont s’articuleront les compétences de l’Agence de l’innovation par rapport à l’Agence de développement de Paris. Nous attendrons plus de détails pour nous prononcer sur le pôle Nord-Est, mais nous adhérons au principe de recomposition du paysage universitaire parisien. Nous souhaitons une évaluation systématique des projets prioritaires et des coûts de fonctionnement, une analyse des objectifs, des moyens, des résultats.

Le groupe « Centre et Indépendants » et moi-même sommes prêts à nous impliquer concrètement sur certains thèmes où nous pensons pouvoir apporter notre expertise. Nous entendons notre rôle d’opposition comme une force de proposition et de contrôle, une démarche critique mais positive.

Je vous remercie.


1 Think tank « Attractivité de Paris », www.valeriesachs.fr

 

Les commentaires sont fermés.