Ces derniers temps, je m'interroge beaucoup sur la pertinence de la mise en place d'une TVA sociale. D'un côté, je me demande si Jean Arthuis mesure à sa juste valeur les conséquences sociales et politiques dévastatrices d'une telle mesure en période de vaches maigres, mais, de l'autre, ce même Jean Arthuis a tout à fait raison de souligner qu'il faut bien financer d'une manière ou d'une autre notre protection sociale lourdement déficitaire.
Une telle mesure n'aurait aucune conséquence négative sur nos exportations, et tendrait à rééquilibrer (très légèrement, il est vrai) les disparités sociales qui contribuent aux marges de manoeuvre des entreprises. Jean Arthuis a écrit à ce sujet une note assez éclairante en mai 2006. Je vais citer un extrait du site tva-sociale.org qui explique très bien le mécanisme :
Il ne s'agit pas, contrairement à ce que son nom peut suggérer, d'un prélèvement nouveau. Il s'agit simplement d'un mode nouveau de calcul des cotisations sociales actuellement en vigueur. Comme celles-ci, la TVA sociale serait payée par les entreprises directement aux organismes sociaux concernés. Rien ne serait changé, à cet égard, par rapport au système de financement actuel, si ce n'est que les 26 cotisations sociales diverses, qui font d'un bulletin de salaire un document incompréhensible, seraient remplacées par une seule. On voit immédiatement l'extraordinaire simplification qui en résulterait, en plus des effets économiques que nous verrons un peu plus loin.
De même, la TVA "normale", que nous appellerons TVA fiscale, aurait pour assiette le prix de vente TVA sociale comprise.
Comment fonctionne la TVA sociale ?
Le calcul et le mode opératoire de la TVA sociale sont inspirés de ceux de la TVA. D'où son nom. Ainsi, la TVA sociale s'applique sur tous les biens vendus sur le territoire national, qu'ils soient fabriqués sur ce territoire ou importés de l'étranger. Elle ne s'applique pas aux exportations. Le montant payé par les entreprises est égal au total du montant encaissé par elles grâce à leurs ventes, diminué du montant total de TVA sociale qu'elles ont payé sur leurs achats
Il faut bien se dire, de toutes façons, que les Français consomment plus que ce qu'ils produisent, largement plus, même. De là, je ne comprends pas les cris de victoire des politiques, mais aussi des économistes qui se rassurent quand il voit la courbe d ela consommation continuer à progresser. A fortiori quand cette consommation est garantie par le crédit. En somme, nous nous endettons pour acheter à l'étranger...Super...
Mais voilà, dans un contexte de précarisation croissante, alors que les coûts des matières premières en croissance vertigineuse relancent l'inflation en France, en rajouter une couche avec une hausse de la TVA, je me demande si ce n'est pas un cocktail social explosif. Parce que quoi qu'en dise le site tva-sociale.org, je ne pense pas que les charges et la tva sociale soient à ce point interchangeables que l'effet soit strictement neutre, même s'il est vrai que l'on peut espérer des fonds supplémentaires grâce aux revenus générés par les produits importés. Je suggère d'ailleurs la lecture d'une page de l'Expansion sur la question, qui résume assez bien les arguments contre cette mesure.
Les Français, pris en tenaille entre ces deux hausses et un blocage des salaires dont l'Etat ou les entreprises n'ont plus les moyens d'assurer une hausse, pourraient ainsi se retrouver avec près de 10% de leur pouvoir d'achat amputé.
Or, une telle situation favorise les discours extrêmes et populistes. Le danger ne viendra peut-être plus de l'extrême-droite, désormais, mais bien plutôt de l'extrême-gauche. Avec un leader charismatique et une excellente communication, l'extrême-gauche trottskiste, en dépit de ses divvisions, progresse dans l'opinion à coups de slogans massue.
En outre, Nicolas Sarkozy et son gouvernement ont abattu par incompétence crasse toutes leurs cartes. Plus de moyens financiers avec le paquet fiscal, et pourtant ils étaient déjà fort maigres, et puis surtout, comment faire accepter la moindre mesure de restriction quand on a favorisé (pour rien, de surcroît !!!) les plus aisés et que l'on s'est adjugé à soi-même une substantielle augmentation, sans parler des soirées au Fouquet's.
J'aurais finalement envie de dire que la TVA sociale n'est pas une priori une idée inintéressante, mais que les frasques de notre président et les errements de notre gouvernement l'ont rendue quasiment impraticable. Expliquée et surveillée dans son application, elle eût pu pourtant apporter uen premier élément de réponses à nos problèmes, et notamment la question du financement de la protection sociale, puisque de mon point de vue, c'est surtout là l'intérêt de cette mesure.
Commentaires
Pour enrichir le débat:
http://professoral.edhec.com/45019907/0/fiche___pagelibre/
avec un grand nombre de liens sur la page et un distinguo entre tva sociale et tva "emploi"
Merci. Je suis allé lire, et je ne comprends pas cela :
L'EDHEC souligne que la « TVA Sociale » présente également un risque non négligeable de dégradation des comptes publics. En effet, la réussite des objectifs de long terme passe par une hausse de TVA qui à court terme pourrait ne pas compenser la perte de recettes liées à la baisse des cotisations sociales et aggraverait le déficit de 5,2 milliards d'euros.
Pourquoi ?
J'avoue humblement que ma vieille maîtrise de sc éco m'aide peu à te donner une réponse claire et limpide. Si tu n'as pas téléchargé le travail de Maarek fais le. Là l'explication est trés détaillée mais difficile à appréhender et basée sur des outils de simulation (donc à prendre avec des pincettes). La tva sociale ou emploi me parait être instinctivement trés intéressante à creuser, ne serait ce qu'à cause du poids des charges sur le travail, mais je me garderais bien de dire que c'est une panacée évidente vu la complexité de la question. Il me semble que Maarek parle du court terme (moins de 5 ans) comme d'une période où les choses ne s'ajustent pas mécaniquement (paragraphe 3). Les prix ne montant pas immédiatement au niveau attendu pour que la hausse de la tva compense la baisse des cotisations (si j'ai bien compris).
Je ne me suis pas repenché sur ce sujet depuis 1 an, mais c'est une piste de réflexion qui m'avait semblé particulièrement intéressante.
Le truc étant de gérer à la loupe et durant plusieurs années ce mécanisme qui viendrait profondément modifier notre façon de fonctionner...
Lu ! j'ai compris, sans toutefois rentrer dans le détail des calculs mathématiques.
Soit on répercute la hausse de la TVA sur les charges sociales, en les diminuant, et dans ce cas, ce sont les salaires qui augmentent, mais cela revient à faire croître la consommation, et donc, en l'état à accroître les importations, soit ce sont les charges patronales et dans ce cas, c'est évidemment l'employeur qui fait une marge supplémentaire, ce qui est à l'avantage des exportations.
TVA sociale, fausse bonne idée ?
Un débat ouvert aussi ici :
http://liberauxdumodem.hautetfort.com/archive/2007/06/13/la-tva-sociale-fausse-bonne-idee.html
Amicalement.
Merci pour cette référence. Je vais aller de ce pas la lire !
J'ai lu !
Bon, j'ai bien compris vos arguments. Mais il faut de toutes façons se dire une chose : il faudra bien financer la protection sociale. Donc, fatalement, cela passe par un effort financier de tous les citoyens. Et quitte à ce qu'elle soit financée, que son mode de financement contribue à rendre plus compétitifs nos produits, même si ce n'est qu'à la marge, je vous l'accorde.
A mon avis, le pire serait de taxer les entreprises une fois de plus, car ce ne serait que les entreprises qui produisent sur le sol français qui seraient ponctionnées.