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Bentolila et l'école maternelle

J'ai lu le rapport Alain Bentolila, commandité par Xavier Darcos, rendu en décembre 2007 sur les inégalités linguistiques au sein de l'école maternelle. Je livre ici mes propres commentaires. Si certains aspects emportent mon adhésion (raisonnements sur la langues), d'autres soulèvent souvent mon irritation voire mon exaspération (antienne "républicaine", bla bla sur la distinction enfant-élève et cetera...).

 Aspects linguistiques( seconde partie du rapport)

Bentolila insiste sur l'importance des acquis oraux. Il observe que les traces graphiques et écrites peuvent avoir un effet rassurant sur les parents et les enseignants, mais que c'est en réalité un arbre qui cache la forêt. De même, il ne voit pas l'utilité des comptines si le texte n'est pas questionné avec les jeunes élèves afin de pemettre l'appropriation  du vocabulaire et la compréhension du texte.

Bentolila est conscient des difficultés que suscite cette nouvelle approche, du point de vue de la visbilité qu'elle rend aux parents, mais je ne sais pas s'il en mesure l'ampleur : je trouve très juste de vouloir mettre en avant la qualité de la communication orale et de favoriser l'acquisition d'un vocabulaire étendu, mais cela requiert du temps, et notamment, par l'effet du vase communicant, de consacrer beaucoup moins de temps aux activités graphiques : mais que vont dire les parents s'ils constatent que le sacro-saint cahier de vie est blanc ou presque, à l'issue du 1er trimestre de petite ou de moyenne section, par exemple ?

Bien sûr, Bentolila prévoit que l'instituteur doit apprendre à gérer sa relation avec les parents, notamment leur résister, mais aussi les voir bien plus souvent, afin de communiquer.

Autre point, Bentolita n'ignore pas qu'à 25-30 enfants par classe, il n'est pas possible de réaliser un suivi individuel. Iol propose donc des ateliers de 7-8 enfants, mais ne précise pas ce que l'on fera des autres. Pour être clair, et sans vouloir être brusque, de mon point de vue, il rêve doucement : il faudrait des moyens bien plus conséquents pour que son idée soit applicable. 

le dressage (1ère partie du rapport ) 

La 1ère partie de son rapport m'a en revanche singulièrement exaspéré. Bentolila sait-il ce qu'est un enfant ? Rendre obligatoire l'école dès trois ans hérisse le libéral que je suis. Je me défie du tout état, et notamment de sa main mise absolue sur l'éducation. Alors évidemment, Bentolila déplore que des enfants ratent souvent des journées de cours, parce que cela déstructure les rythmes mis en place par les instituteurs. Mais bon sang, il se souvient ce que c'est un enfant de trois ans, oui, ou non ? ça tombe malade tout le temps, ça a peur, ça pleure, c'est très fatigué dès la fin de la matinée et cetera...on a l'impression que Bentolila a oublié tout cela. Et ce que je dis là vaut au moins autant pour un enfant de quatre ans.

A la lecture de la 1ère partie, on voit que Bentolila voudrait réduire les temps de siestes et de récréation. C'est n'importe quoi. Ridicule, et même dangereux. 

Il insiste également beaucoup sur l'idée que la maternelle n'est pas un lieu de vie, mais un lieu d'apprentissages : moi, je dis, attention à la pression. Depuis que l'on cherche à faire de la maternelle une école à part entière, ce que nous serine à qui mieux qui peut Bentolila, on a jamais eu autant de problèmes d'orthophonie : quelqu'un peut-il m'expliquer pourquoi ces problèmes n'existaient pas, ou du moins, en nombre bien moins important autrefois ? L'anticipation effrénée sur les savoirs savants à acquérir, je doute très fort que cela produise des effets autres que nocifs sur le développement cognifitif de l'enfant.

 Au final, Bentolila est un linguiste, un bon linguiste, même, mais pas un psychologue, et en particulier pas un psychologue du développement cognitif. Quand , à l'Education Nationale, je ne dirais même pas "se décidera-t-on", car je crois que c'est pire, l'on n'y pense même pas, quand, donc, disais-je, se décidera-t-on à demander l'avis des psychologues spécialisés dans le développement cognitif de l'enfant ? Il en existe d'excellents en France, et on ne les consulte jamais. L'école vit en fait à côté comme s'ils n'existaient pas.

J'estime qu'aucun programme d'école (tout du moins, pour de jeunes enfants) ne devrait être élaboré sans au minimum recevoir un avis consultatif d'un collège restreint et spécialisé de ces derniers. Mais comme souvent, la technostructure de l'Education Nationale, car le vraie problème, c'est celle, préfère se regarder le nombril et déléguer ses propres experts, c'est à dire ses purs produits. On voit mal , dans ce conditions, comment un regard neuf pourrait être porté sur les apprentissages. 

Il reste à dire que Bentolila n'est pas favorable à l'accueil des enfants de 2 ans en maternelle. Il pense que c'est trop tôt, et que les crèches sont plus adpatées. C'est aussi mon avis. Il suggère de ce fait de construire plus de crèches. C'est bien gentil, mais...que se passet-il si la construction des crèches ne suit pas, ce qui est le cas à peu près partout en France ? 

Le Café pédagogique propose le rapport entier en téléchargement

Commentaires

  • C'est drôle que tu parles du rapport Bentolila, car il a réussi à me gâcher mon week-end du nouvel-an !

    Soyons honnête, je l'ai parcouru mais sans le lire intégralement. Mais j'étais entouré d'enseignantes de maternelle, qui elles, l'ont lu stylo à la main. Et on ne peut pas dire que le verdict ait été flatteur pour son auteur, et ce d'autant plus qu'auparavant Bentolila était très apprécié.

    Encore une fois, on constate un fossé incroyable entre des idées - bonnes ou mauvaises je ne me permettrai pas d'en juger - et la réalité des faits. Quand un enseignant de maternelle lit qu'il faut faire travailler les enfants par petits groupes, il ne peut qu'être d'accord. Mais quand le même enseignant demande à son administration comment, très concrètement, on fait travailler des enfants de 3, 4 ou 5 ans en groupe restreint tout en "gérant" une classe de 25 ou 30 enfants, alors là... il n'y a aucune réponse.
    On fait quoi des 20 autres exactement ?

    Deux exemples très récents de ce décalage constant entre, d'un coté le discours politique qui s'appuie sur des quantité de travaux d'universitaires on ne peut plus compétents, et de l'autre la réalité quotidienne de ce métier :

    1) Ma femme est Professeur des Ecoles depuis 8 ans. Elle a cette année 3 classes (dans deux écoles différentes). En tout près de 80 enfants de petite et moyenne section. Elle vient d'apprendre la semaine dernière que dans une de ses classes, l'effectif va être monté à 30 enfants. Trois nouveaux arrivent prochainement. Juste un détail, parmi ces trois enfants, l'un est une petite fille handicapée de 4 ans. Les textes officiels affirment que tous les enfants doivent pouvoir avoir accès à leur école de quartier. C'est un excellent principe. Mais les textes disent aussi que dans ce cas, un adulte (auxiliaire de vie) est là en permanence pour aider l'enfant dans son handicap. Problème : ces postes existent sur le papier, mais uniquement sur le papier. Et il faut plusieurs années avant qu'une telle demande aboutisse.

    Donc question : comment fait-on pour faire travailler les enfants par petits groupe, quand ils sont 30 dont parmi eux une enfant qui à elle seule nécessiterait la présence constante d'un adulte ?

    Réponse du ministère : démerdez-vous !


    2) J'ai deux enfants qui sont dans une école de quartier qui a la particularité depuis des années d'accueillir des enfants du voyage. Là aussi, excellent principe. (mise en application de la mixité sociale).
    Jusqu'à l'an dernier, dans cette école, un enseignant spécialisé était là pour aider ces enfants là (sachant que ce n'est pas vraiment le milieu familial, plus proche du quart-monde qu'autre chose, qui peut les aider). Les enfants du voyage étaient répartis à raison de 3 ou 4 par classe, donc suivaient "normalement" les cours, sauf quelques heures par semaines où, cette fois vraiment par petits groupe de 4 ou 5, ils étaient pris en charge par cet enseignant spécialisé. Tout le monde était gagnant dans cet arrangement.
    En fin d'année scolaire l'an dernier, le rectorat a annoncé que le poste de cet enseignant spécialisé était supprimé. Lever de boucliers, pétitions des parents et enseignants... Bref au final, le poste fut - momentanément ! - conservé.
    On a appris la semaine dernière que ce poste disparaîtrait définitivement à la rentrée prochaine, économie budgétaire oblige.

    Conséquence de toute cela, ces enfants ne seront plus pris en charge... donc très rapidement cela veut dire que leurs chances, déjà faibles, de s'en sortir vont être anéanties. Or accepter que des enfants soient ainsi en échec scolaire dès le CP ou le CE1, c'est non seulement criminel, mais c'est économiquement d'une totale absurdité.
    Conséquence secondaire : l'école s'attend à une fuite, et des enseignants les plus expérimentés, et des familles, l'école privée du quartier n'étant qu'à 50 mètres !

    Dernier élément de réflexion :
    Avant d'être enseignante, mais femme était psychologue clinicienne. A ce titre, elle peut postuler à des postes de psychologue scolaire, étant de fait nettement mieux formée que beaucoup de psy scolaires officiels. Le rectorat recherche déséspérement des candidats pour ces postes là ; ils l'ont donc approché. Problème : la psychologue scolaire dont, éventuellement, elle prendrait le poste, a en charge 21 ou 22 écoles. Là aussi, économies budgétaires oblige : l'an prochain la personne qui occupera ce poste devra prendre en charge près de 45 écoles !
    Là aussi, question : et, concrètement, on fait comment pour travailler sur 45 écoles ? (soit quand même au minimum 6000 ou 7000 enfants !)
    Réponse : vous vous démerdez....

    Alors, les bonnes idées de Bentolila... sur le terrain, elles font plus rire qu'autre chose. Mais rire jaune.

  • Salut Bertrand
    J'ai eu comme toi d'abord une réaction négative, mais il faut lire le rapport en entier, et pas en diagonale.
    C'est clair qu'il y a des portes ouvertes largement enfoncées, là-dedans, mais, sur la question du langage, il a raison. Cela dit, si tu n'as pas lu en diagonale mon billet :-) , tu as pu constater que je ne suis pas un groupie de Bentolila... :-)
    Mais il est clair que nombre de recommandations relèvent de voeux pieux. Toutefois, ce dernier point n'est pas la faute de Bentolila.

  • Je ne suis pas du tout "anti" Bertolila. J'avais lu quelques petits trucs de lui, et c'est un fait incontestable que c'est un linguiste de qualité.

    Ce n'est donc pas lui que je remets en question. Mais cette habitude qui est totalement insupportable du pouvoir politique en général - droite et gauche confondues - de croire, ou de faire semblant de croire qu'un rapport aussi pertinent soit-il, ou un comité Théodule quelconque, peut pallier aux déficiences d'un système devenu fou. Or l'Education Nationale est un système devenu au fil des ans fou, et qui a, vis à vis de ses enseignants comme des élèves et parents un discours constamment paradoxal : on fixe des objectifs (très bien), mais sans jamais prendre en compte la réalité du terrain. Or cette réalité est têtue et il ne suffit pas de l'imaginer autre pour qu'elle se mette à coller à ce rêve...

    On accueille tous les enfants dans les écoles. Bravo, on ne peut que souscrire à cet objectif. Mais on ne met pas en place le minimum de moyens humains qui permettrait à TOUS les enfants d'être véritablement accueillis, avec leurs différences et pour certains leurs déficiences aussi. On reste dans les mots, mais le passage aux actes (adapter les moyens à l'objectif poursuivi, au fond comme cela se fait dans n'importe quelle entreprises ni plus ni moins) ne se fait pas.

    Sur le langage en maternelle, on est au cœur du problème. Permettre aux enfants de développer l'oral, si on veut le faire correctement, c'est simplement faire travailler chaque enfant, à tour de rôle, pour que chaque enfant apprenne à s'exprimer (et pas que les 5 ou 6 dans chaque classe qui maîtrisent déjà bien). Or, prendre chaque enfant un par un, c'est tout simplement impossible pour un enseignant qui en a 25 ou 30. D'où effectivement le recours des enseignants aux productions "graphiques" diverses et variés. Ce n'est pas tant pour "rassurer" les parents, même si la pression de leur part est forte. C'est avant tout que l'enseignant n'a souvent pas le choix...

    Tant que les autorités n'auront pas compris ce qu'est très concrètement, tous les jours, le travail d'un enseignant, tous les rapports qu'on pourra pondre ne seront que des vœux pieux.

  • Salut Bertrand,

    Je ne peux que donner ma totale adhésion à ce que tu dis. Il faut savoir que les cadres de l'EN adorent se gargariser de mots...cela ne coûte rien, alors...

  • d'accord

  • @ doj

    Si vous le dites :-)

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