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François Bayrou dénonce un risque de concentration des pouvoirs dans les Universités

François Bayrou est intervenu, le 24 juillet 2007, sur le projet de loi relatif aux libertés et aux responsabilités des université.

Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, certains termes font fortune : il en est ainsi du mot « gouvernance » qui, depuis trois ou quatre ans, est mis à toutes les sauces. Je souhaite m’arrêter un instant non pas au mot lui-même mais à son complément : tantôt « gouvernance des universités », tantôt « gouvernance de l’Université ». La distinction entre les deux expressions, souvent absente du débat, est pourtant d’une très grande importance pour la société française et pour son histoire.
En effet, depuis cent cinquante ans, nous avons choisi d’organiser notre enseignement supérieur et notre recherche non pas en universités – au pluriel – mais en une université, qui est l’université française, l’université républicaine. Ce choix a des conséquences de haute portée puisque, notamment, il implique que nos diplômes universitaires aient un statut national, situation toute différente de celle des pays qui, ayant choisi le pluralisme des universités, délivrent des diplômes concurrentiels entre les différentes universités du pays.
Permettez-moi sur ce point, madame la ministre, d’amender l’un de vos propos. Vous avez dit dans votre intervention liminaire que, partout dans le monde, on proposait des lois de cet ordre, citant plus particulièrement l’exemple de l’Allemagne. Or, dans ce pays, c’est le contraire qui se passe.
L’État allemand cherche, à juste titre, face à des universités entièrement autonomes, à se doter d’un moyen à l’échelle nationale permettant de faire évoluer leur statut, chacune d’entre elles étant maîtresse chez elle et refusant d’évoluer.
De fait, une réflexion sur la gouvernance des universités serait pauvre si elle n’abordait pas la question de la gouvernance de l’Université, en portant notamment sur les types de diplômes, sur l’adaptation des formations aux étudiants, non pas en difficulté, mais, dirons-nous plutôt, non autonomes, ou encore – vaste sujet ! – sur la promotion de la recherche dans la sélection des élites françaises.
Ma deuxième remarque a également trait au thème de la gouvernance : les choix que vous proposez en la matière sont-ils les meilleurs ? Je prendrai, à cet égard, l’exemple de l’extrême concentration des pouvoirs entre les mains du président d’université. Ainsi que l’a fait remarquer à très juste titre le professeur Antoine Compagnon dans un récent article publié par Le Figaro, ces pouvoirs sont, aux États-Unis, répartis entre quatre fonctions autonomes et même étanches : celles de President, le président du conseil d’administration, de Provost, le responsable des études, de Dean of the faculty, le doyen de la faculté, et de Chief financial officer, l’homme des finances de l’université. Est-ce un choix juste et adapté à notre temps, que de réunir tous ces pouvoirs entre les mêmes mains ?
Le fait que j’ai entretenu, en ma qualité de ministre, de très bonnes relations avec la conférence des présidents d’université, ne m’empêche pas de penser que la question mérite d’être posée.
Vous avez argué du fait que les trois universités marseillaises avaient décidé de se regrouper pour constituer un grand ensemble comprenant 75 000 à 80 000 étudiants. Peut-on vraiment imaginer, madame la ministre, que le président d’un ensemble d’une telle dimension concentre tous ces pouvoirs ? Vous donnez, par exemple, aux présidents d’université la possibilité de distribuer des primes. Comment peut-on envisager sérieusement que cela puisse se faire dans une université d’une telle taille ?
Cette concentration absolue des pouvoirs n'est pas un bon choix – je le dis à propos de cette fonction, mais je pense également à d’autres…
D’autant que la question se pose de savoir si le mode d’élection des présidents d’université, qui va conduire à leur donner tant de pouvoirs, est vraiment juste et bon.
Il faut que cela soit dit à cette tribune, le choix d’une loi électorale avec prime de fait au collège des professeurs, n’aboutira à l’élection d’un président qu’à la suite d’ententes syndicales.
J’ai été le défenseur, pendant tout le temps où j’ai exercé les fonctions qui sont les vôtres aujourd’hui, madame la ministre, d’une bonne entente avec les syndicats, et même d’une confiance réciproque.
De là, cependant, à donner la totalité des pouvoirs dans un très grand nombre d’universités françaises, pluridisciplinaires notamment, à un homme élu par une coalition de syndicats, je m’interroge. Mais peut-être cela explique-t-il la discrétion, soulignée tout à l’heure par M. Goasguen, des oppositions au sein de l’université française ?
Cette concentration des pouvoirs soulève en outre – ce sera ma troisième et dernière observation sur ce sujet – des problèmes en termes de recrutement qui ne peuvent pas être éludés. En effet, si certaines universités monodisciplinaires s’accommoderont très bien de cette réforme et des nouveaux pouvoirs des présidents, je laisse à la représentation nationale le soin d’imaginer les difficultés que les universités multidisciplinaires vont, elles, rencontrer, avec toutes les conséquences néfastes que cela aura pour leur avenir.
L’idée de gouvernance pose décidément trop de questions auxquelles ce texte, mal inspiré et mal orienté, ne répond pas.

Je ne suis pas forcément d'accord avec ce que François Bayrou dit de l'Université avec un grand U. Non sur le statut national des diplômes, auquel je demeure attaché aussi, mais plutôt parce que je me défie justement d'un modèle unique pour toutes les universités. Je crois que cette manière de penser l'Université n'est justement plus adapté à notre monde moderne. En revanche, il a tout à fait raison de dénoncer la concentration des pouvoirs entre les mains d'un seul homme. Si les universités deviennent vraiment autonomes, il faudra revoir complètement leur organisation hiérarchique, la composition des Conseils d'Administration, et les pouvoirs respectifs des uns et des autres. L'idée de diviser les pouvoirs au sein d'un collège réduit me plaît bien. 

Commentaires

  • Voilà ce que j'appel (1) opposition constructive a raison qu'elle soit non seulement entendue poliment, mais suivi de faits et des contrôles associés allant avec, auxquels je suis sûr le nouveau mouvement MODEM de FB va s'attacher à conserver une continuité dans le temps et une objectivité digne des nouvelles et meilleures ONG '' Organisation non Gouvernementales''.....

  • Bayrou montre là qu'il est un homme politique moderne car il propose des solutions en s'opposant dignement.je pense que cela est à saluer

  • Oui, c'est ce que j'apprécie chez Bayrou : jamais d'opposition de principe, toujours une opposition d'idées.

    Le problème qu'il soulève est à mon avis tout à fait fondé.

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