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jessi slaughter

  • Jessi, dun goofed up, Jessi, tu t'es fait griller...

    On ne devrait pas laisser de jeunes enfants faire les malins sur internet. Une gamine américaine de 11 ans, Jessi Slaughter, et sa famille l'apprennent actuellement à leurs dépens. Elle a pris l'habitude de se présenter avec sa webcam à n'importe qui, tout en déclarant n'importe quoi à n'importe quel interlocuteur.

    Et puis quand ça a mal tourné, et qu'elle est devenue objet de la risée générale, elle a voulu se rebiffer et faire sa grande en insultant ses correspondants, leur proposant de les flinguer d'une balle dans la tête et leur souhaitant le sida.

    Cela a bien fait rigoler les internautes américains du forum 4Chan.org qui s'en sont donnés à coeur joie avec des fake et des simili-video. Mais le meilleur était à venir : le père (la famille avait été jusque là remarquablement absente) s'en est mêlé et a enregistré une vidéo menaçant les auteurs des fake de représailles policières.

    Explosion générale de rire et franche rigolade sur la Toile. Je ne compte pas les versions pirates et délirantes et remaniées de la vidéo qui ont circulé.

    Voilà, l'histoire pourrait s'arrêter là. Sauf qu'elle n'est pas drôle du tout...Pas drôle parce que la gamine a 11 ans et ne se rend pas compte de ce qu'elle fait, qu'elle a reçu des menaces de mort, qu'elle a du être mise sous protection policière et que l'assistance sociale américaine s'intéresse à la famille, se demandant si l'enfant bénéficie d'une éducation sans carences graves, puisqu'elle a pu ainsi se mettre en danger.

    Pas drôle parce qu'il y a là une famille complètement dépassée, assez symptomatique des rapports que les parents des jeunes générations entretiennent avec l'Internet, et prise pour cible par des railleurs à la moquerie facile.

    Le phénomène buzze sur la Toile américaine et commence à toucher les autres pays. Notre rapport à Internet ne laisse de nous interroger, en ce début de 21ème siècle.

    la Toile est un gigantesque théâtre grec dans lequel tout le monde, y compris à son insu et contre son gré, peut devenir acteur d'un drame en trois actes. Les erreurs s'y propagent plus vite que les analyses éclairées et sont répliquées jusqu'à l'écoeurement par nombre de sites dont la vérification des sources est le cadet des soucis.

    Une fois qu'un site est considéré comme un site de référence, il peut raconter n'importe quelle connerie, tout le monde reprend son information et le cite.

    Dans les écoles françaises on entonne à grand renfort de trompettes et de chartes républicaines la complainte du béni-oui-oui pour "éduquer" les jeunes âmes à l'utilisation d'Internet. On ferait mieux d'y multiplier l'étude de cas concrets au point de devenir des cas d'école.

    Chez les Grecs, on éduquait les enfants encore jeunes avec des légendes et des mythes. L'âge et le maturité venant, on passait aux exercices rhétoriques. Cette habitude sensée demeure relativement vivace en Europe puisque fables et contes tiennent encore une relativement bonne place dans les programmes de l'école primaire et du début du collège, même si l'on n'en tire guère la substantifique moëlle désormais.

    L'histoire de Jessi mérite d'entrer dans la légende et de figurer au nombre des contes modernes. Une sorte de Chaperon rouge de Perrault pour usagers électroniques : l'héroïne, la plus jolie petite fille du village, commet l'erreur fatale de donner au grand méchant loup les coordonnées complètes de sa grand-mère. Le loup file chez la vieille et la dévore. Quand la petite arrive chez son aïeule, c'est le loup qu'elle trouve. Déguisé en grand-mère, il l'invite à prendre place dans son lit : personne, dans le conte de Perrault ne retrouvera l'enfant vivante...

    Cette histoire bien ancienne, puisqu'elle appartient à la tradition orale médiévale résonne d'un bruissement particulier sur nos fils électroniques, et il n'y a pas, cette fois, de frères Grimm qui traîneraient sur la Toile pour inventer une fin heureuse. A méditer...