Les Français, selon un sondage, sont favorables à près de 85% à l'introduction du contrôle continu au bac. Je suis très réservé parce que j'entrevois plusieurs conséquences inquiétantes à ce choix.
Il risque d'accentuer les disparités locales : que vaudra le contrôle continu d'un lycée de Seine Saint-Denis à côté des plus prestigieux établissements parisiens ? Pas grand chose et sans doute à raison.
Les facultés n'hésiteront plus à sauter le pas, de ce fait et à réclamer de pouvoir mettre en place des concours d'entrée.
Il y aura donc un numerus clausus en faculté.
Dans ces conditions, mieux vaudra alors réformer la Terminale et en faire ce que Bayrou proposait il y quelques années : en faire une propédeutique avant l'entrée dans le supérieur.
Que deviendront alors les titulaires d'un bac général ? Sans doute pas grand chose. Pour éviter une certaine forme de marasme, il faut donner un véritable élan aux filières professionnelles du supérieur : ce pourrait être fait si elles demeurent accessibles sur simple présentation du diplôme du bac.
Dans tous les cas de figure, il en sera à peu près fini du caractère national du bac : il ne deviendra qu'une sorte de sur-brevet des collèges.
Cela dit, je m'interroge souvent sur la pertinence de notre modèle éducatif de contrôle des connaissances. En fait, je m'interroge même sur le principe du contrôle des connaissances : est-ce que, parce qu'on contrôle les connaissances sur la base d'un examen ou d'un concours terminal, ou même d'une épreuve ponctuelle, les connaissances sont mieux acquises ? Est-ce que notre jeunesse par ce biais prend davantage goût à l'étude, aux sciences, aux lettres, aux arts ou encore à l'histoire ? Je n'en ai pas vraiment l'impression.
Tant de stress, tant de souffrances psychiques parfois, tant d'échecs pour en arriver là ?
Maria Montessori concluait dans son livre sur l'Enfant que l'accomplissement du développement spirituel de l'étudiant était de l'amener à devenir une sorte de chercheur qui ne venait consulter son maître que pour discuter de l'état de ses recherches et converser amicalement avec lui.
Jamais nous n'avons été aussi loin d'un tel idéal. Il y a en France, mais pas seulement (les tests PISA dont on fait une gorge chaude ne sont pas vraiment une réussite à cet égard) une obsession de l'évaluation pour l'évaluation : on finit par se demander ce qu'on évalue, au fond, et surtout, à quoi sert l'évaluation au regard de l'objectif ultime.
Ceci ne signifie pas par exemple, qu'il faudrait supprimer les notes. Mais il y en a certainement un autre usage pédagogique possible afin de ne plus en faire le vecteur d'un jugement de valeur, mais plutôt une sorte de thermomètre permettant de contrôler la température afin de la réguler quand fièvre il y a...
Une sorte d'instrument qui permettrait de mesurer l'envie, le goût, le désir d'apprendre et la volonté qu'un enfant, un adolescent, de jeunes gens peuvent déployer simplement par goût. Autant dire qu'on est quelque peu loin du compte...
Commentaires
c'est surtout que tout se fera sur dossier, et qu'il faudra que les gamins de 15 ans aillent faire leur seconde à Paris en internat pour avoir une chance d'être acceptés quelque part après. c'est d'un nul. vachement égalitaire! pour une réforme de gauche, bravo.
@do
C'est une des premières conséquences probables, en effet.
"Une sorte d'instrument qui permettrait de mesurer l'envie, le goût, le désir d'apprendre et la volonté qu'un enfant, un adolescent, de jeunes gens peuvent déployer simplement par goût."
Magnifique réflexion ! Nous en avons souvent parlé, avec Isabelle en particulier, il me semble que les notes ne devraient surtout pas être supprimées chez les enfants mais par contre ne devraient pas être divulguées aux autres. C'est son évolution, "lui avec lui-même" et rien d'autre.
Plus tard pour acquérir des diplômes c'est ensuite évidemment différent.
L'acquisition de nouvelles connaissances est un plaisir réellement jubilatoire pour un jeune lorsqu'il se rend compte que l'amélioration est sans cesse possible... Souvent c'est parce qu'elle a été suscitée par des profs ou des parents lui ayant accordé une confiance inconditionnelle.
C'est à dire qu'il savait au départ qu'il serait aimé quels que soient ses performances par au moins "une personne". Et de ce fait il se surpasse en se cultivant continuellement pour faire plaisir. Il fera toujours pour le mieux.
@L' hérétique,
Vous citez à nouveau M Montessori, cela m'évoque de vieux échanges ici-meme... :)
Cette citation pourrait s'appliquer à propos du fonctionnement des "College" aux US, très judicieux donc de l'associer avec le bac en controle continu qui est la norme là-bas. Cela ouvre la voie effectivement aux concours et dossiers d'admission couplés en général avec une augmentation des frais.
Les évaluations dans le primaire et secondaire là-bas, se font sous forme de QCM qui ont fait leur apparition tout récemment chez nous aussi.
Très joli billet. :)
Qu'est ce que cela peut vouloir dire : quantifier le goût d'apprendre ?Attention , avec ce genre de raisonnement , nous fonçons tout droit dans le subjectif et nous tombons en plein dans la notation par compétences . Demandez au monde enseignant ce qu'il en pense en général de ce système par compétences : une véritable usine à gaz , du délire !
@L'héré,
J'aurais du réagir sur le billet précédent, je sais, le référentiel bondissant a peut-etre trouvé sa source dans certaines méthodes d'enseignement, au primaire par exemple pour deviner la structure de la phrase, la consigne première était d'y trouver le "référent" ;) etc pour ensuite définir le "sujet".
Idem pour l'approche des divisions ou A:B devait s'effectuer de la facon suivante:
Bx1, B(1+1) etc jusqu'à approcher au maximum de A, avec ajout du différentiel.
Un vrai bonheur pour l'aide aux devoirs^^^ et pas certaine qu'il n'y ait pas eu découragement tant pour les élèves que pour les soutiens, enfin bon bref. Il semblerait que ces techniques soient révolues, d'après mes observations.
@+
@Daniel
En fait, je n'ai pas vraiment réussi à trouver les mots adéquats d'où la formule un peu foireuse, pardon.
Moi aussi je pense que la compétence est une usine à gaz. Ce que je voulais dire simplement c'est que l'évaluation a le caractère d'une sanction, à l'heure actuelle, et que cela me paraît contradictoire avec la volonté de développer le goût pour l'étude.
@Martine
J'aime bien Montessori et sa réinterprétation originale de l'aristotélisme.
Au delà de son aspect d'usine à gaz, le bac actuel a cet immense avantage d'être un examen à l'échelle nationale (hors DOM-TOM et centres étrangers, mais bon...). C'est à dire que ses résultats sont en somme opposables à n'importe quel établissement dans le pays. Evidemment, si on remplace ça par un système régionalisé ou localisé quel qu'il soit, on crée des disparités et donc, en quelques années, des hiérarchies ; lesquelles créeront elles-mêmes des préférences, et de là très vite la prime au pognon. C'est ce qui se passe aux USA où, globalement, les universités les plus cotées sont aussi les plus chères. Il n'est pas impossible que, suivant la vieille règle de l'Enfer et des bons sentiments qui le pavent, nous en arrivions bientôt là par la grâce de quelques mesures socialistes à visée égalitariste.
@L' héré,
Je sais...Moi aussi :)
Je voudrais ajouter que cette citation est adaptée pour les établissements de la "ivy league" et autres privés ou encore académies militaires+++, pour le domaine public moins évident (il faut avouer que les moyens ne sont pas les memes non plus) d'après ce que j'ai pu en observer lors de mon séjour là-bas; suite aux différentes invitations pour interventions au coté des enseignants.
En ce qui concerne les évaluations, je pense qu'elles ne devraient que servir qu' à mesurer le niveau des acquisitions en tant que repère des techniques d'enseignement les plus efficaces, à classe équivalente dans son sens le plus large.
Ensuite, il est possible de favoriser un retour d'expérience des méthodes ayant fait leurs preuves avec publication soit via réseau intranet à l'usage de tous les enseignants, soit en valorisant ces techniques dans le cadre de la formation.
@+
Argh!!! Ne devraient servir qu'à mesurer...
pour repérage, of course! @@@@
Ca fait un moment que le bac générale sert de temps de réflexion à ceux qui ont du mal à monter leur projet professionnel. C'est clairement le brevet bis et sans rien derrière mieux vaut un cap. A la limite ça ouvre certains concours mais c'est bien tout.
@ Skunker
Non, ce n'est pas tout. Formellement, c'est aussi le passeport pour la Fac. Ça permet à de très nombreux fruits secs des classes moyennes de s'inscrire en première année de psycho, de socio ou d'histoire de l'art... Ce serait dommage de perdre ça.
@Christian
Cette fois, ne me dites pas que vous ne persiflez pas...
Il y a un numerus clausus pour les kinés, les orthophonistes, les vétérinaires, etc.
Ce qui fait que la Belgique offre gracieusement ces études aux Français.
Qui viennent faire leurs études chez nous et leurs stages dans nos écoles spécialisées et intégratives où l'on scolarise les petits Français handicapés. (Double délocalisation). Ensuite, nous appliquons un numerus clausus pour les installations en libéral, ce qui fait que les Français retournent s'installer dans leur pays.
La Belgique n'est pas extensible, ni un puits financier sans fond. Il faudra bien un jour faire l'Europe et harmoniser...
Quant à ce qui est des examens, il y aura toujours une part de tricheurs pour les mauvais, une part de panique et/ou de malchance pour les bons, et c'est bien dommage.
@Françoise : notes ou autre, il est important qu'on sache où l'élève en est, en effet. Disons que c'est aussi une preuve pour montrer aux parents et aux enseignants qu'ouvrir sa classe à l'inclusion, ça ne tire pas la classe vers le bas mais vers le haut, en résultats scolaires aussi.
Mais tout à fait d'accord avec toi pour que, quelle que soit la méthode employée, les résultats nominatifs des élèves ne doivent pas être diffusés à toute la classe mais doivent rester quelque chose de personnel.