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Art, j'assume ma réaction

Je n'ai encore jamais expliqué les causes de l'indifférence, quand ce n'est pas du mépris, que j'affiche pour la création artistique moderne. Pendant des siècles et des siècles, l'art a choisi de représenter, de figurer pour exprimer et montrer. Jusqu'à la fin du 19 siècle, le sens esthétique, du moins pour les arts visuels, était touché en priorité par le biais de l'oeil et de la vue, à la limite du regard. Cet art-là, que les Modernoeuds comme dirait le compère Didier, ont qualifié depuis un demi-siècle d'art bourgeois, était en réalité un art populaire, et de longue date. Les hommes et les femmes du Moyen-âge ne communiquaient avec le divin que par la grâce des frises qui figuraient sur les arcs de porte des églises et des cathédrales. Émile Zola décrit dans son Assommoir la visite du Louvre par Gervaise, Coupeau et leurs invités : des ouvriers. L'occupation semblait alors courante.

Mais au XXème siècle, et même sur le fond, dès la fin du XIXème siècle avec l'Impressionnisme, la pensée abstraite a pris le pas sur la figuration. Les peintres, fussent-ils excellents techniciens comme Picasso, ont cherché d'abord à s'adresser à l'esprit plutôt qu'aux sens. Ils se sont  engagés  et leur travail artistique est devenu scientifique et moral, puisque chez les Marxistes, la morale est scientifique. 

Les peintres, mais aussi les sculpteurs et même les musiciens, se sont complus dans leurs abstractions à peu près aussi vides que la citerne d'Henry Michaux : il s'agissait d'écouter les échos de son moi profond expectorant de vagues borborygmes à interpréter, censés ricocher de parois en parois dans leur citerne intérieure. Élitisme affiché en moins, je tends souvent à penser que cet art marxiste auquel la sphère publique se plaît à passer commande parce qu'il est engagé ou encore qu'il invite au débat, n'est finalement pas autre chose qu'une forme décadente et totalitaire d'art platonicien. Très insidieusement, au demeurant, puisqu'il revendique la liberté à travers la manière de sa création.

Avec cet art-là, je me sens des humeurs de Guillaume d'Ockam avec les universaux platoniciens : il faut passer tout cela au rasoir et décapiter tout ce qui ne correspond à aucune réalité sensible. Un nominalisme appliqué à l'existentialisme, en somme. Oh, certes, existentialisme et platonisme semblent apparemment s'opposer, mais, sur le fond, ce n'est que sur la genèse de l'Idée. L'un et l'autre ont exactement la même propension à générer des objets superflus, les uns parce qu'ils font croire qu'il existe une essence préexistante à cet objet, les autres parce qu'ils jugent qu'il suffit qu'elle surgisse pour valoir comme idée. 

Tiens, ça me rappelle mon second fiston passant pour la première fois, à quatre ans, devant l'un des premiers "tableaux" qui ornent Beaubourg : oh là là, papa, y'a quelqu'un qu'a grabouillé sur le dessin ! Ça m'a bien fait rigoler, tiens. Et résumé lapidairement mon jugement esthétique sur la chose.

Ces artistes-là me gonflent avec leur hypertrophie de leur moi-pensant. Je n'aime pas cet art qui renonce à être beau, qui renonce à imiter la nature, mais ne se nourrit plus que d'abstractions et de concepts (creux, au demeurant). Oh, il peut se produire accidentellement que la manière soit belle, mais il s'agit d'un accident. Un hasard. Le peintre a fait une belle oeuvre, mais ce n'était pas son but : il voulait toucher nos consciences, nous amener à réfléchir (merci, je fais cela très bien tout seul).

Moi je dis, au feu (c'est une déformation pour un hérétique) le contenu de Beaubourg, de la Fondation Cartier, du Palazzo Grassi de Venise et cie : tout juste bon à me faire mon combustible de chauffage pour ma cheminée authentique flambante neuve fabriquée en Chine.

Commentaires

  • Je suis globalement d'accord, le contenu de Beaubourg peut bien brûler, on pourra y recaser - et chauffer ! - quelques SDF.
    Mais quand même l'impressionnisme, je ne le mettrais pas dans le même sac (ou foyer de cheminée).
    QUant à Picasso, il faut bien admettre qu'il savait peindre. Sa maîtrise ne se voit pas nécessairement dans le cubisme (moche et inimpressionnant) mais après avoir visiter le musée de Barcelone, on a vraiment l'impression qu'il se sentait devoir surpasser ce qu'il pouvait faire en simplement reproduisant la réalité (sa prime jeunesse, des petites merveilles dès 8 ans... allez voir - et Barcelone est une ville sympathique ;) ) et il a magnifié la réalité, l'a transcendé.

    Mais pour le reste de l'art moderne, je partage ton point de vue, la beauté étant plus souvent l'exception que la règle...

  • Bonjour Pierre
    En fait, l'Impressionnisme a initié le dépassement de la figure par l'idée, mais comme ce n'est que le début, la figure, la manière demeurent fondamentales dans l'art (et la musique !) impressionnistes.
    Pour Picasso, je le sais, c'est pour cela que je le cite : un peintre techniquement excellent.

  • Tiens, parmi les abominations de l'art moderne, il faudra prévoir de la place sur le bûcher pour les oeuvres de Satie. Difficile de brûler des partitions, mais pourquoi pas des CD ?

    Ah, et sinon, que viens faire ce pauvre Ockam dans ta diatribe ? A ma connaissance, son rasoir n'a jamais tranché personne...

  • Un petit conseil de lecture:
    Eluard Picasso de JC Gateau.
    Yep, le musée de Barcelone offre une vision différente de l'artiste.
    Un coup de crayon est exceptionnel un seul trait...L'hérétique,mes enfants ont adoré son bestiaire très réaliste. ;)
    Ceci dit, n'ai réellement compris Picasso que par le biais d'un ami artiste polyvalent, qui cet été a sculpté un magnifique "totem" dans la pierre, un visage de femme multiple et unique à la fois.
    @+

  • Là:
    http://www.amazon.co.uk/%C3%89luard-Picasso-peinture-1936-1952-Jean-Charles/dp/B001O3HGUY
    Vous pouvez aussi trouver le texte sur le web, mais des pages "au milieu" font défaut.

  • @ L'Hérétique,

    Votre billet m'a beaucoup plus et je vous rejoins sur un point : si l'on part du principe que l'Art est le paradigme d'une réalité universelle (l'Homme) n'y aurait il pas une convergence ou mieux une symbiose entre l'Art totalitaire et la Démocratie extrême ? C'est une question un peu abstraite mais on peut effectivement se la poser. Les totalitarismes ont en effet érigé le symbole de leur puissance en un art au service d'une idéologie, qui voulait par exemple transposer les réalités historiques dictatoriales de leur temps au service d'une sculpture, d'un pavillon, comme à l'occasion de l'Exposition Universelle de 1937. Une Forme abominable était alors en train de se propager au service d'une Histoire impitoyable. Lorsque les Formes artistiques cotoient d'un peu trop près les puissances politiques, la question est toujours un peu préoccupante. Evidemment, c'est bien plus les régimes politiques que les formes artistiques qui sont matière à polémiques et leur association a pu donner de bons résultats dans l'Histoire, mais les débordements de l'ère du temps ne peuvent pas nous laisser indifférents, lorsque l'on se promène du côté de la Fondation Cartier. Aujourd'hui, avec la mise en place possible des démocraties extrêmes - des démocraties qui je crois faisaient froncer les sourcils d'Aristote -tout est dans tout et tout paraît se valoir dans une confusion des genres un peu triste à observer; le néant de l'Art paraît s'être ainsi identifié à la perte de substance historique de nos régimes politiques un peu déliquéfiés. Il ne s'agit pas bien sûr de faire une philosophie de l'Histoire à la petite semaine, mais - comme le dit votre fils - lorsque c'est raté, c'est raté ! Puisque les régimes politiques nous en mettent parfois plein la figure, pourquoi ne pas créer des agences de notation pour des cortèges d'artistes contemporains beaucoup trop idolâtrés par une certaine clique ? Cela permettrait peut être par diverses biais d'ouvrir des éventails, de créer des fenêtres d'opportunité et d'offrir des pistes de chasse aux plus petits artistes de talent qui touchent un peu plus que le RMI.

  • Les salles préférées du musée Picasso à Barcelone sont les dernières, ou Picasso égratigne gentiment Cézanne via les danseuses...Grandes absentes d'une expo dans le sud de notre pays. ;o))
    Tsss, cela me fait penser à la toile représentant une danseuse de mon ami qui fut volée ( p't ben qu'il aurait du accepter qu'elle s'éloigne de son lieu de naissance) et puis ceux qui ont commis ce délit sont complètement "c" car il n'a pas eu le temps de la signer^^^ et des photos ont été prises.
    Du grand n'import nawak koaa.

  • @L' hérétique,
    Jamais mis les pieds au Palazzo Grassi, situé au bout du canal, je crois, lorsque je me rends dans cette ville, je préfère certains quartiers à d'autres, prendre le pouls de la ville, alors vais m'appuyer sur un commerce en peaucerie, voui une femme qui aime les gants l'hiver et en offre, donc j'ai là-bas quelques habitudes.
    Me souviens fort bien du propriétaire du lieu qui subissait une certaine pression en provenance d'asie et qui cherchait un fond de commerce à Paris, tant il saturait^^^.
    Bon à présent, dans ce commerce on ne trouve plus d'incrustation de pierres de Murano, assez proche de certains bijoux provencaux et tout en finesse, mais du Sarowsky bling bling^^^.
    @+

  • l'art c'est aussi le marché de l'art ... et là on retombe encore dans de très prosaïques considérations ... n'en déplaise au rasoir d'Ockam !!! :)
    Issue d'une famille de peintres ... rassures toi, je pense comme toi !

  • @Mira,
    Ah bon et Dali???!!!
    Pdlol
    T'es rigolote, parfois :o))

  • @ Martine : je ne pense pas que Dali, que je confirme comme mon chouchou, était visé par l'Hérétique... il suffit d'admirer son époustouflant Christ de St Jean de la Croix !
    http://eva.baila.over-blog.com/pages/Le_Christ_de_St_Jean_de_la_Croix_Salvador_Dali-575741.html

  • Bah, Dali est classifié comme surréaliste, et l'hérétique est déjà intervenu en ce sens via un billet sur Rimbaud.
    Dali a de multiples facettes, il adorait tant les éphèbes qu'il a pu fatiguer parfois, et puis ses montres qui dégueulaient^^^.
    Ceci dit, n'ai aucune dent particulière envers son oeuvre, simplement il n'a jamais eu le trait de Picasso. Yep, issu du marketing pi'etre^^^.

  • Préalable : je suis hermétique à l'art contemporain.

    Mais juger si sévèrement un siècle de recherches artistiques, globalement, c'est aussi inepte qu'écrire que "le rococo c'est cucul" ou que "le moyen-ageux c'est mal dessiné".
    Forcément, il y a des génies et des charlatans à toutes les époques. Il faut prendre la peine de faire le tri, c'est tout.

    Avec le temps, j'ai aimé des styles que j'avais détesté auparavant. J'en ai déduit que c'est toujours celui qui n'aime pas qui a tort : celui qui aime, il sait pourquoi ; celui qui n'aime pas, c'est celui qui n'a pas (encore) compris.

  • franchement Martine, on a bien compris que tu préfères Picasso mais de là à dire que Dali serait issu du marketing ! quant à la qualité de son trait : prend de l'aspirine et ajuste tes binocles !

  • @Mira,
    Tu es com d'hab...
    Tu ne veux rien comprendre.
    Raison pour laquelle, je ne mets plus les pieds chez toi, inutile et stérile.

  • normal que tu ne viennes plus chez moi Martine, je refuse qu'on dise du mal de qui que ce soit !

  • Franchement Mira, tu m'as suffisamment poursuivie sur les blogs à raconter n'import nawak , pour que ce billet n'ait pas pu m'exploser de rires...

  • "inutile et stérile" tu disais ??? c'est vrai que tu es une artiste du genre ...

  • T'es com d'hab...
    Mais je sais bien en ce qui me concerne qu'il n'en est rien.
    Jalouse???

  • de toutes façons, quand on doit lire tout un laïus sur un auteur pour comprendre ce qu'il peut bien avoir voulu dire par son oeuvre, c'est bien que l'oeuvre ne parle pas d'elle même, et, de là, qu'elle est ratée!

  • Do,
    L'oeuvre n'est pas forcément ratée, quand "elle ne parle pas d'elle-même".
    Tu oublies qu'une oeuvre n'est pas forcément destinée à tout le monde. Un artiste, qu'il soit peintre ou poète, peut décider de s'adresser à une "élite" d'"initiés", si ça lui chante.

    Shakira s'adresse au plus grand nombre ; sa musique est-elle plus réussie que celle d'Otis Redding (par exemple) ?

    L'embêtant, c'est que plus on s'adresse à tout-le-monde, plus le message est creux (car trop consensuel). Quand on fait de l'élitisme, c'est forcément plus "personnalisé" !

  • @ L'Hérétique

    Tiens, sur ce même sujet, voilà un article de JPB et l'échange de commentaires qui s'en est ensuivi :

    http://voguehaleine.20minutes-blogs.fr/archive/2010/10/22/comprendre-l-art-contemporain.html#comments

    JP est un gentil garçon, mais on trouve dans son billet à peu près tout ce que l'art contemporain fait naître et dont il se nourrit : cuistrerie, faux concepts et mots creux au service de la justification de "création" épate-gogos.

    En fait, l'art contemporain est de l'art spectacularisé (au sens de Guy Debord) : il imite l'art comme Disneyland imite le Far-West avec pour seul objectif d'alimenter un marché spéculatif tenu et régenté par quelques centaines de personnes.

  • On peut lire avec intérêt ce que pense Philippe Muray surl'Art en général et l'art moderne en particulier.
    http://www.philippe-muray.com/extraits-philippe-muray.php

  • @Erasmus
    Ah ! eh bien maintenant, d'un coup, ça y est, j'identifie qui c'est !!!
    Ahem : moi, je le classe dans la sphère libérale, mais bon, tu vois peut-être les choses autrement.

  • Personne, n'est pas passé corriger mon erreur in-volontaire en ce qui concerne le dernières salles du musée Picasso à Barcelone...Pfff, pas Cézanne mais Degas.

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