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La lettre de Guy Môquet

A farfouiller sur le site Bayrou.fr, et à lire les commentaires, on en trouve parfois d'excellents. J'ai relevé notamment celui de "Forez" du 22 octobre 2007 à 12h50. Comme j'adhère pleinement à ce qui est dit, je reproduis intégralement ses propos. Chapeau pour la qualité de l'analyse : il y a du neurone à profusion chez les Démocrates !

 La lecture de la dernière lettre de Guy Môquet donne l'occasion pour certains, groupes et individus, d'afficher des postures antagonistes préjudiciables à l'histoire et à la compréhension sereine du passé.

1) La première posture est essentiellement celle de deux personnes, le président de la République, Nicolas Sarkozy, et son conseiller Henri Guaino. Xavier Darcos se fait plus distant, affirmant qu'il n'aurait certainement pas eu l'idée de cette lecture. C'est une posture classique, relevant d'une injonction à la commémoration officielle. Le choix de Guy Môquet comme symbole de l'engagement résistant, alors qu'il a été fusillé comme otage et non pour fait de résistance, est révélateur de leur profonde méconnaissance de l'histoire de cette période.

2) La seconde posture est celle exprimée dans la foulée par le même Henri Guaino, provocatrice, cynique et méprisante à l'égard du monde enseignant, qu'il caricature de façon outrancière et haineuse…

3) Une troisième posture, tout aussi classique, est représentée par le parti communiste français, qui d'une part instrumentalise sans ambages cette commémoration par un appel à "résister" au gouvernement, et d'autre part identifie PCF et Résistance, en occultant deux faits historiques : - le pacte germano-soviétique et le fait que Guy Môquet et ses camarades suivaient la ligne et ne dénonçaient pas l'occupation allemande - le parti communiste clandestin a mis du temps à revendiquer les attentats contre les officiers allemands et n'a pas immédiatement soutenu leurs auteurs

4) Une quatrième posture consiste, à l'image du SNES et d'un groupe d'historiens rassemblés dans le Comité de Vigilance sur les Usages de l'Histoire (CVUH), à dénoncer l'usage politique de cette commémoration en utilisant des arguments qui relèvent aussi d'une certaine instrumentalisation idéologique. Au nom de leur statut d'historiens ils font un véritable usage politique de la dénonciation d'un usage politique de l'histoire. Ils voient dans cette commémoration l'occasion "d’effacer toute «tache» mémorielle : de la responsabilité de l’Etat français dans la déportation et l’extermination des Juifs à la non-reconnaissance des massacres coloniaux, de la répression du 17 octobre 1961 à l’oubli des anciens combattants «ex-colonisés», ainsi que la "réinvention d'une mémoire résistante". Cet argument rejoint les propos, précisément mal à propos, d'une enseignante largement diffusée dans les JT de France 2 et France 3, selon laquelle on assisterait à une "résurgence du résistancialisme gaulliste" ! Les mêmes qui dénoncent l'injonction commémorative ne sont pas capables d'une distance critique à l'égard de certaines approches contestables des "mémoires de la Seconde guerre mondiale" véhiculées depuis 2004 dans certains manuels de Terminale. Cet argument renvoie à une vision sombre, noire, crasse, de l'attitude des Français sous l'occupation, qui auraient eu besoin de "s'inventer une mémoire résistante" pour se dédouaner du reste (voir le téléfilm "Épuration" diffusé la semaine dernière sur France 2). Elle utilise des termes venant de l'extrême-droite ("épuration sauvage", "résistantialisme") destinés d'abord à dénigrer la Résistance. Avec cette confusion constante entre le gouvernement de Vichy, la France et l'ensemble des Français. Hélas les médias ne se font l'écho que de ces postures extrêmes et souvent anachroniques, et laissent bien peu de place à la nuance et à la réflexion sereine sur les complexités du passé. Pour les Français occupés l'exécution des otages, quelles que soient leurs convictions, était d'abord symbolique des souffrances et du martyre de leur pays, elle a provoqué un choc considérable.

Personne ne rappelle l'écho, la portée et la signification, pour les contemporains de Guy Môquet et de ses camarades, de cette exécution et de celles qui suivront.

 

L'analyse de F. Bayrou sur Europe 1 hier soir apportait la distance nécessaire, en replaçant à se juste place cet "événement".

Commentaires

  • Pour prolonger la discussion…
    Deux émissions consacrées hier, 22 octobre, à la lecture de la lettre de Guy Môquet dans les lycées ("C'est dans l'air" sur France 5 et "Ca vous regarde" sur LCP) m'inspirent ces remarques :
    1) Le brouillage, la confusion et l'imprécision historique généralisée nuisent profondément à la compréhension de la période de l'Occupation et du phénomène de la Résistance, devenus totalement inintelligibles pour les plus jeunes et le grand public. Ce confusionnisme est-il volontaire et calculée afin de brouiller les repères, les valeurs et les esprits ? Est-il le fruit et le signe de l'ignorance et de l'indigence culturelle de nos élites (de gauche et de droite) ?
    2) L'incompatibilité profonde entre les exigences du métier d'historien (le temps, la méthode, la rigueur, la précision, la nuance et la prise en compte de la complexité) et la pensée systématiquement binaire, rapide et simplificatrice du journaliste et du politique.

  • Merci beaucoup pour la profondeur de votre analyse. J'aime beaucoup.

    Je ne crois pas que la confusion soit savamment organisée, ou du moins, pas par tous. Je crois en revanche que nombre de nos politiques sont prêts à s'emparer de n'importe quel symbole pour servir leurs intérêts. Ce n'est pas choquant quand le symbole est approprié, mais là, je trouve ridicule de comparer l'esprit de révolte face à la barbarie nazie et l'esprit de révolte dans une société de consommation.

  • Rebonjour, Je suis entièrement d'accord avec votre remarque. La confusion (de part et d'autre, à droite comme à gauche) c'est effectivement de faire croire que les choses se valent, que les situations sont les mêmes, etc. Malheureusement ce sont de fausses et trompeuses analogies, comme celle qui consiste à parler de "rafles" à propos des clandestins et des sans-papiers. On pervertit le sens des mots et la sigularité des situations et des phénomènes, c'est très choquant, intellectuellement.

  • Entièrement d'accord,

    D'ailleurs, ceux qui parlent de rafles entretiennent sciemment une confusion ignoble.

    Il n'en reste pas moins que les procédés utilisés par l'administration française envers les immigrés clandestins sont scandaleux : appeler des parents dans un collège en se faisant passer pour un conseiller d'éducation ce sont des méthodes qui elles, en revanche, rappellent de bien sombres épisodes de notre histoire. Le plus incroyable, c'est que personne ne s'en émeut.

    Par ailleurs, donner des objectifs chiffrés dans ce domaine, c'est plus que ridicule,c 'est dangereux, et cela s'oppose radicalement à un traitement humain de ces situations.

    Le traitement au cas par cas s'impose dans nombre d'entre elles.

  • François Bayrou était, je crois, un des rares à analyser les appels du pied de N. Sarkozy en février-mars dernier (si je me souviens bien…) en direction de l'électorat de Le Pen. Je crois qu'il dénonçait le fait de tirer les gens vers le bas, plutôt que de leur fournir des éléments de décryptage. Maintenant le gouvernement, les idéologues comme Hortefeux, donnent des gages à cet électorat "syphonné" : faire "du chiffre" avec les clandestins, tests ADN et j'en passe. LE RÔLE DU MODEM NE SERAIT-IL PAS DE DÉCRYPTER PATIEMMENT TOUTE CETTE RÉALITÉ, DE DÉMONTER, ARGUMENTS À L'APPUI, CHAQUE DÉCISION, QU'ELLE SOIT SOCIALE, ÉCONOMIQUE, MÉMORIELLE, ETC, AFIN D'APPORTER AUX GENS (FUTURS ÉLECTEURS) DES CLÉS DE LECTURE, EN S'ADRESSANT À LEUR RAISON, LEUR INTELLIGENCE, AVEC PÉDAGOGIE ?

  • Oui, je pense que nous avons un rôle à jouer. Je crois en revanche que nous n'avons pas intérêt à nous confondre avec les Socialistes et encore moins avec l'extrême-gauche.
    A la place de Bayrou, je ne me serais pas rendu au Zénith, sur l'histoire des tests ADN.

    Par rapport à l'immigration, il est évident qu'il faut la contrôler, mais cela ne dispense pas de faire preuve d'humanité, et, pour l'instant, je ne vois rien se profiler à propos du co-développement, chantier il est vrai, très difficile à engager.

  • C'est ici comfondre histoire et mémoire... Le rôle de l'historien n'est pas de faire du lien social mais de rechercher à la vérité et d'expliquer des faits de société. La circulaire demandant au professeurs de lire cette lettre s'inscrit dans la continuité de la tentation dont témoigne le politique depui splusieurs années de demander des comptes à l'histoire, de l'encadre et de décider de ce qui est bon ou non de penser. Le politique est incompétent à trancher en terme d'histoire.

  • Bien sûr. Le passé, le rapport au passé appartient à tous et à chacun. La mémoire est un moyen de s'arranger avec ce passé, de choisir dans ce passé ce qui lui convient, d'éliminer ou d'occulter ce qui dérange. C'est classique. Par contre l'histoire, son enseignement et la recherche historique, sont des métiers, exigeant des compétences, validées par l'université.

  • J'ai lu l'article de papagueno, et en fait, ce qu'il dit, c'est exactement le problème : légiférer dans le domaine de l'histoire, c'est se lancer dans une entreprise très hasardeuse, sauf, évidemment, quand il y a une volonté délibérée de falsifier des faits avérés.

    A la limite, peu importe Guy Môquet, au final : c'est le principe même de cette lecture que je condamne : je ne vois là-dedans rien qui ait du rapport avec la mission de l'Education Nationale. Le document est intéressant, mais il a vocation à être étudié d'un point de vue historique, et non pour servir une cause politique.

  • Moi je me mets à la place des communistes : on canonise officiellement l'un des leurs, on le sacralise au moment où leur parti risque de disparaître !
    C'est de la provocation : j'imagine ce qui aurait été dit si un gouvernement de gauche avait pris cette initiative.

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