Ça fait scandale en ce moment en Espagne : la compagnie Los Angelès Opera a décidé d'interpréter l'opéra de Wagner, Tannhäuser, au pied de la lettre. En effet, selon la légende, Tannhäuser chevalier et poète germanique du milieu du Moyen-âge passa une année à adorer Vénus, déesse de l'amour et du désir. Comme les gravures et les tableaux étaient en soi évocateurs de ces faits, j'imagine que cette compagnie et leur metteur en scène se sont dit qu'ils ne pouvaient pas ne pas faire au moins aussi bien.
En effet, à considérer la chose, on se verrait bien venir se mêler à l'orgie et à la débauche sur scène, où l'on se demande si les scènes, explicitement sexuelles sont seulement simulées. Mais le mieux, pour se faire une idée de la chose est encore de se rendre sur le site d'El Païs qui en rend compte via un extrait vidéo explicite...
En règle générale, la provocation pour la provocation m'agace, mais, pour cette fois, je trouve fondé ce choix esthétique. L'opéra de Wagner débute vraiment dans un lupanar. Alors pourquoi pas, si l'on fait le choix d'une esthétique percutante. Tiens, au fait, en parlant de Tannhäuseur, après avoir vécu une année de délices chez Vénus, il tenta de se faire absoudre par le Pape Urbain IV. Celui l'envoya gentiment paître en lui faisant valoir qu'obtenir son pardon serait aussi difficile que de voir son bâton épiscopal fleurir. Pas de pot, 3 jours après, le bâton fleurit. Il se mit en quête de Tannhäuser, mais c'était trop tard, ce ternier avait mis les bouts et était revenu chez Vénus (bonne idée au demeurant). Eh oui, à l'époque, on était plus progressiste qu'aujourd'hui. Parce qu'aujourd'hui, j'imagine que dans l'église catholique, on pense aussi qu'il y a autant de chance de "pardonner" à une fillette violée que de voir le bâton épiscopal du Pape fleurir, je suppose...
Heureusement qu'en France nous avons des évêques d'une toute autre trempe que le sinistre José Cardoso Sobrinho. Faut dire ce sale bonhomme a été désavoué par ses semblables et que cela lui fait les pieds.
Bon, je m'égare, revenons à Tannhäuser : en fait, pour être précis, là où il trouve refuge très précisément, c'est au Venusberg. Je ne suis pas germaniste, mais je sais que littéralement, cela se traduit par "mont de Vénus". Bien sympa comme endroit :-D
A propos de Tannhäuser, Charles Baudelaire a écrit quelque chose de très intéressant dans l'Art romantique, dont je recommande la lecture. Il y a plein de choses notables dans cette critique de Baudelaire, notamment une mise en relation des effets de la musique sur les cerveaux et ses Correspondances (la nature est un temple où de vivants piliers...). Mais, ce qui illustre mieux que tout mon propre propos, c'est ceci :
Le Chant des pèlerins apparaît le premier, avec l’autorité de la loi suprême, comme marquant tout de suite le véritable sens de la vie, le but de l’universel pèlerinage, c’est-à-dire Dieu. Mais comme le sens intime de Dieu est bientôt noyé dans toute conscience par les concupiscences de la chair, le chant représentatif de la sainteté est peu à peu submergé par les soupirs de la volupté. La vraie, la terrible, l’universelle Vénus se dresse déjà dans toutes les imaginations. Et que celui qui n’a pas encore entendu la merveilleuse ouverture de Tannhäuser ne se figure pas ici un chant d’amoureux vulgaires, essayant de tuer le temps sous les tonnelles, les accents d’une troupe enivrée jetant à Dieu son défi dans la langue d’Horace. Il s’agit d’autre chose, à la fois plus vrai et plus sinistre. Langueurs, délices mêlées de fièvre et coupées d’angoisses, retours incessants vers une volupté qui promet d’éteindre, mais n’éteint jamais la soif ; palpitations furieuses du cœur et des sens, ordres impérieux de la chair, tout le dictionnaire des onomatopées de l’amour se fait entendre ici.
Je vais m'arrêter là, je fais trop dans la culture ces derniers temps...:-)