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bars

  • Au Café des Délices...

    Il m'a fait de la peine, l'Nicolas. La Comète va perdre ses gérants, honnêtes gens avec lesquels il avait tissé des liens d'amitié. Le bistrot va rester, mais il va perdre une partie de son âme. Pour Nicolas, la faute au libéralisme : des propriétaires qui attendent toujours plus de rentabilité. La réalité est plus diverse. Il se trouve que le sénateur centriste Nicolas About, et Michel Mercier, en charge de l'aménagement des espaces ruraux ont organisé un colloque sur la disparition des bars et cafés. J'en ai trouvé un compte-rendu sur la Toile. En fait, Nicolas n'a pas tout à fait tort, mais, c'est, plutôt, qu'il est mal tombé. L'institut Mimèsis a réalisé une étude en 2009 sur la convivialité des bars et mis en évidence quatre profils de propriétaires bien distincts. J'ai mis en gras le profil sur lequel Nicolas est tombé...

    • Les nouveaux entrants (entreprise familiale) : en début de carrière, ces jeunes de moins de 30 ans sont désireux de s’intégrer socialement, que ce soit des immigrés ou des jeunes en échec scolaire. Ils visent la satisfaction et la fidélisation du client. Ce sont les seuls qui ont conscience de la nécessité de se former. Maîtres mots : générosité, confiance, ouverture.
    • Les investisseurs (associés ou seuls) : dans une dynamique de réussite sociale, ils en sont à leur deuxième ou troisième affaire. La dimension commerciale et financière est primordiale. Il s’agit de rentabiliser au mieux et au plus vite leur investissement, en choisissant les produits les plus rémunérateurs et capteurs de clients. Maîtres mots : productivisme, pragmatisme, convivialité a minima dans un but commercial.
    • Les insatisfaits (seuls ou couples en difficulté) : en situation d’échec, ils vivent un décalage entre leur fantasme de réussite et leur réalité. La convivialité est une attitude calculée.
    • Les “deuxième vie” (couples en harmonie) : C’est une reconversion mûrie, préparée, et réussie en couple. Le café correspond à l’aboutissement de leur carrière. Maîtres mots : valeurs d’écoute, de partage, de générosité.

     

    Le compte-rendu note, parmi les maux dont souffrent les bistrots en effet la Grande Distribution qui se réinvestit sur le commerce de proximité que ce soit en centre-ville ou dans les quartiers. Mais elle n'est pas seule : buvettes non professionnelles, associations sportives, mairies, clubs mènent la vie dure à nos estaminets. Plus insidieux, l'image associée aux bistrots (le café du commerce), les nuisances qu'on leur prête, la répression de l'alcool et du tabac et des normes de sécurité et d'aménagement toujours plus exigeantes contribuent à l'effacement progressif de ces établissements de notre paysage. Quelques chiffres sont évocateurs : 200 000 bistrots et cafés en 1960, 37 000 aujourd'hui. On mesure mieux l'état de la convivialité et la déliquescence du lien social avec un phénomène d'une telle ampleur.

    Paradoxal, dans une société qui réclame, au moins en paroles, plus de lien social, et se plaint constamment de l'individualisme.

    Si la qualité du service et la visibilités apparaissent essentielles pour redorer l'image ternie des troquets, mon sentiment, mais je ne suis pas le seul à le penser, c'est que seule la diversification des services peut redonner un peu d'espace et d'air aux bistrots, particulièrement dans les campagnes. C'est la position de Michel Mercier, notamment :

    « dans les territoires ruraux comme dans les quartiers ». « La poste, la presse, les journaux font vivre la démocratie. » C’est aussi « le dernier commerce du village ou le repas des chasseurs ». « Des expériences de points multiservices ont eu lieu en Auvergne : retrait d’argent, point de relais d’informations touristiques, point Internet, produits de téléphonie mobile, dépôt de pain. » Il y a aussi « ce besoin de trouver localement des services qui n’existaient pas autrefois. Le bistrot doit être prêt à les accueillir. » Sans oublier « les services de proximité tels que les retraits de colis ou l’achat de billets de train TER ».

    « Avoir en un lieu unique tout ce qui disparaît ailleurs » en somme, concluait récemment Anne-Marie Escoffier, la Sénatrice radicale (de gauche) de l'Aveyron.