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tchétchénie

  • L'éco-système de la démocratie

    C'est l'un des derniers billets de Ruminance sur l'actuel potentat de la Tchtéchénie qui m'amène àquestionner non pas ce qu'est une démocratie, mais plutôt les conditions de son émergence.

    Au fond, une démocratie, c'est un peu comme le biotope de nombre de nos régions : elle nécessite une sorte d'éco-système et des pré-requis, sachant que les pré-requis ne sont pas une assurance de réussite.

    Parce que nos démocraties libérales et commerçantes nous ont amené à un haut niveau de vie, nous avons souvent, dans nos démocraties occidentales, hypostasié le principe démocratique sans songer que la démocratie n'est pas le meilleur des systèmes parce que son arrière-monde serait irréprochable, mais tout simplement parce qu'il garantit à un grand nombre d'individus la protection de leurs intérêts.

    Partout où nous avons essayé d'amener la démocratie "de force" ces trente dernières années, nous avons échoué. Je ne m'aventurerais toutefois pas à énoncer qu'une démocratie imposée est fatalement un échec, le Japon et l'Allemagne en sont la contre-démonstration éclatante, si l'on se réfère à leur sort au lendemain de la Seconde Guerre Mondiale.

    Les régimes qui sévissent dans le Caucase et autour de l'Oural sont ou des despotismes, ou des oligarchies. L'oligarchie, je n'aurais pas imaginé que ce fût un régime politique qui refît surface un jour. A vrai dire, il n'existe aucune oligarchie déclarée : elles se dissimulent presque toujours derrière des oripeaux qui n'ont de démocratiques que l'aspect.

    On retrouve finalement un peu les mêmes problématiques partout où la démocratie affronte d'autres systèmes politiques : sans développement économique, sans sécurité, la démocratie ne peut s'installer. Il faut d'abord assurer l'un et l'autre, puis garantir les libertés et le droit afin que les individus et les entreprises puissent contracter en toute sécurité.

    Pourquoi les Talibans reprennent-ils le dessus en Afghanistan ? Parce qu'ils amènent l'ordre et que l'Amérique et ses alliés ont fait l'erreur majeure de ne pas écarter immédiatement les Seigneurs de la guerre à leur arrivée. Or, ces deniers ont toujours prospéré au coeur de l'anarchie, de la corruption et du crime crapuleux. Si les lois afghanes étaient appliquées convenablement et avec justice, Dostom et ses sbires auraient dû être pendus de longue date, par exemple.

    En Tchétchénie, la population, pour une large part, se moque bien de la liberté de la presse et des assassinats politiques, parce que pour le commun des gens, c'est la vie ordinaire qui a longtemps été difficile.

    Ce n'est pas d'une démocratie à grands principes dont les peuples émergents ont besoin, mais d'une démocratie pragmatique et adaptable, proche d'eux et de leurs besoins.

    C'est compliqué l'éco-système de la démocratie, parce qu'en même temps, un tel régime ne peut se contenter de satisfactions alimentaires. Alors c'est quoi la recette ?

    Mon sentiment, c'est que les principes philosophiques ne constituent pas le corps de la démocratie, mais, ils lui sont ce que le levain est à la pâte du pain : il lui permet de lever.

    Au fond, la liberté est l'épice indispensable qui donne sa saveur au plat : qu'on l'oublie, et il est raté. Qu'on l'asperge et l'on n'atteint pas son but.  Quoi ? Un excès de liberté serait néfaste ?

    Non, il n'y pas d'excès de liberté, en revanche, il y a des perversions de la liberté avec des effets plus ou moins néfastes. Aristote a étudié les dérives auxquelles donnent lieu les différents régimes politiques, et l'on sait que pour la démocratie, ses deux bacilles les plus mortels sont l'anarchie et la démagogie.

    Enfin, il ne faut pas se voiler la face, l'avènement de la démocratie est aussi une affaire d'opportunité. Quand les conditions de cette opportunité ne sont pas réunies, elle ne peut pas naître.

    Si, à l'heure actuelle, dans plusieurs pays arabes (mais pas forcément tous) les ferments de la révolte semblent propices à l'éclosion du germe démocratique, dans d'autres parties du monde, au Pakistan, en Afghanistan, en Tchétchénie, en Russie, il est patent que nous sommes loin du compte.

    Il faut alors s'armer de patience et se tenir à l'affût du moment opportun, parce qu'in fine, comme l'observait Schumpeter à la fin de son Capitalisme, Socialisme et Démocratie, ce sont les peuples qui décident, au fond de leur sort.